Les bateaux-pompes américains durant la Seconde guerre mondiale (1941-1945)


Les risques de sinistres en zones portuaires en temps de guerre

Chargement d'un cargo à New York en 1944
Chargement d'un cargo à New York en 1944

En temps de guerre les ports maritimes prennent une importance tactique et stratégique de premier plan : embarquement de troupes, de denrées, d’armes et de munitions…
La demande d’approvisionnement de toutes sortes est telle que les navires militaires ne suffisent plus et des navires civils sont réquisitionnés. C’est le cas par exemple du Normandie, paquebot français de luxe, qui sera rebaptisé Lafayette, attaché au port de New York et affecté au transport de troupes.
Cette très forte augmentation d’activité et de trafic ainsi que la nature des cargaisons chargées ou déchargées (munitions, explosifs …) s’accompagnait d’un accroissement considérable des risques d’incendies et d’explosions.

Déjà en 1917, au plus fort de la Première guerre mondiale, un cargo français bourré d’explosifs entre en collision avec un navire norvégien dans le port d’Halifax au Canada. S’ensuit un incendie puis une explosion, la plus forte explosion non naturelle. Un triste record battu par le bombardement atomique d’Hiroshima au Japon en 1945.

Par ailleurs une zone portuaire est souvent une zone à fortes activités industrielle et commerciale et de ce fait est une cible privilégiée des bombardements aériens. Ca a été le cas par exemple du port de Londres pendant le Blitz.

Les bateaux-pompes américains de la Seconde guerre mondiale

Navire civil converti en bateau-pompe
Navire civil converti en bateau-pompe

Aux États Unis pendant les deux guerres mondiales les ports passent sous l’autorité de la Garde Côtière commandée par un officier nommé Captain of the Port, COPT, qui a en charge la sureté et la sécurité, dont celle liée à la prévention et à la lutte contre les incendies, en coopération avec les pompiers civils.

Dans le perspective de l’entrée en guerre de l’Armée américaine, un ambitieux programme d’intensification des moyens de lutte contre les incendies est décidé. La tache est immense. Des réservistes sont rappelés.

En février 1942 la perte du Normandie au cours d’un incendie dans le port de New York va accélérer la mise en place de ce programme.

Les USA comptent alors, avant-guerre, une quarantaine bateaux-pompes répartis dans une vingtaine de ports. Un grand nombre de navires civils sont convertis et équipés en matériel anti-incendie, remorqueurs, bateaux de pêche … et la construction de plus de 150 bateaux-pompes est réalisée pendant la guerre et mis en œuvre par les gardes-côtes américains (United States Cost Guard, USCG). Ils sont équipés de quatre à huit  motopompes animées par des moteurs à essence Chrysler et offrant un débit d’environ 1 900 l/min chacune:

Bateau-pompe de 40 pieds des garde-côtes américains
Bateau-pompe de 40 pieds des garde-côtes américains

  • bateaux-pompes  de 30 pieds (environ 9 mètres), en métal soudé, construits par Hanley Engineering Service entre 1942 et 1943. Équipages de six hommes. Quatre pompes à incendie. Numéros de coque CG 300XXF-301XXF,
  • bateaux-pompes de 40 pieds (environ 12 mètres) destinés à la Côte Est , en bois construits par Wheeler Shipyard entre 1944 et 1945. Numéros de coque CG 40335F – 40364F,
  • barges de 50 pieds destinées aux Grands Lacs (environ 15 mètres), construites par différents chantiers navals entre 1942 et 1943. Équipages de huit hommes. Huit pompes à incendie. Numéros de coque CGB 50300f -50313F,
  • barges de 60 pieds (environ 18 mètres) destinées à la Côte Ouest . Construites par Walter W.Johnson Co. en 1943. Équipages de neuf hommes. Huit pompes à incendie. Numéros de coque CGB 60012F, 60013F, 60015F-60019F.

Ces moyens maritimes et nautiques sont positionnés au plus près des zones à risques. Certains seront équipés de radio.

Ainsi en 1944 plus de 250 bateaux-pompes sont en service dans plus de 130 ports. La plupart sont décommissionnés à la fin de la guerre.

L’incendie du cargo El Estero, la catastrophe évitée

Le 24 avril 1943 le cargo El Estero sous pavillon panaméen s’apprête à quitter le terminal militaire de Caven Point à Jersey City. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’installation, tenue secrète,  était l’un des principaux points d’embarquement de troupes, d’armes, de matériels et de munitions à destination de l’Europe, l’Afrique, le Pacifique…

Le cargo embarque 1 350 tonnes de munitions diverses, obus, charges explosives, bombes incendiaires, armes… à destination de l’Europe. Sur les quais se trouvent près de cinq mille tonnes de réserves de carburants, des dépôts de munitions, des convois ferroviaires chargés… A proximité de l’El Estero deux autres cargos chargés également de munitions.

Suite à l’embrasement d’une nappe de mazout en salles des machines provoqué par une étincelle venant d’une des chaudières, un incendie se déclare à bord pendant une maintenance. L’alarme est donnée par les gardes-côtes qui s’organisent pour combattre l’incendie1Le 24 avril était veille de Pâques, à 17h30, heure à laquelle l’alarme est donnée, de nombreux permissionnaires s’apprêtaient déjà à quitter le site !.

Deux remorqueurs sont utilisés pour éloigner les deux navires voisins de l’El Estero. Les sapeurs-pompiers civils de Jersey City se présentent avec trois fourgons-pompes et deux échelles aériennes. Deux bateaux-pompes de 30 pieds des gardes-côtes, parmi ceux cités plus haut, arrivent à la rescousse. Les deux bateaux pompes les plus puissants de New York, le Fire Fighter et le John J. Harvey, sont mobilisés par les pompiers de New York. Mais l’incendie semble déjà ne plus être maîtrisable.

Une détonation complète peut alors exposer la majeure partie du port de New York, du bas Manhattan, de Brooklyn, de Staten Island, de Jersey City… soit une population de plus d’un million de personnes ! L’explosion aurait pu être semblable à celle d’une arme nucléaire tactique moderne.

Du fait de cet énorme risque la capitainerie décide de faire remorquer le navire en flammes vers l’extérieur du port, toujours accompagné des deux bateaux-pompes new-yorkais qui continuent à actionner leurs lances-canons.

Le cargo El Estero après son noyage
Le cargo El Estero après son noyage

Arrivés près du phare de Robbins Reef2Le phare de Robbins Reef est un phare offshore caisson situé au large du Constable Hook à Bayonne dans le Comté de Hudson, New Jersey. les sauveteurs tentent de couler le cargo pour noyer l’incendie. Les deux bateaux-pompes déversent alors des trombes d’eau sur le cargo qui finit par sombrer à faible profondeur (environ douze mètres).

Après noyage du navire une partie de ses superstructures et de ses mâts reste visible. Les bateaux-pompes continuent de lutter contre les incendies des parties émergées du cargo puis rentrent à New York. Le cargo est relevé quelques mois plus tard pour finir en cible d’exercice pour la Marine américaine en Atlantique.

Le périple du Hoga durant l’attaque de Pearl Harbor

Un autre bateau-pompe s’est aussi particulièrement distingué pendant la Seconde guerre mondiale. Il s’agit du remorqueur portuaire Hoga en service à la base navale et quartier général de la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor, situé dans l’État américain d’Hawaï.
Un dossier netpompiers lui a été consacré.

Notes

Notes
1 Le 24 avril était veille de Pâques, à 17h30, heure à laquelle l’alarme est donnée, de nombreux permissionnaires s’apprêtaient déjà à quitter le site !
2 Le phare de Robbins Reef est un phare offshore caisson situé au large du Constable Hook à Bayonne dans le Comté de Hudson, New Jersey.