Le remorqueur portuaire Hoga de la Marine américaine YT-146 (1941)


Pearl Harbor, située dans l’état américain d’Hawaï est une base navale et le quartier général de la flotte américaine du Pacifique. La base est située dans une rade peu profonde dans laquelle on entre et sort par un chenal assez étroit, les navires mouillent autour de l’île Ford qui en occupe le centre. Le 7 décembre 1941 la base a été la cible d’une attaque aérienne japonaise massive. La flotte américaine qui y stationnait comprenait alors plus d’une centaine de navires de combat et de navires auxiliaires. Cette flotte a été très endommagée par deux vagues d’attaques aériennes successives. Parmi les navires auxiliaires se trouvait le Hoga, un remorqueur portuaire équipé pour la lutte anti-incendie.

Le Hoga remorqueur portuaire à Pearl Harbor

Le Hoga, remorqueur de la Marine américaine
Le Hoga, remorqueur de la Marine américaine

Appartenant à la classe Woban, Le Hoga est construit par Consolidated ship building corporation à New York en 1941. Hoga veut dire poisson en dialecte Sioux. Il est affecté à Pearl Harbor qu’il rejoint par un périple de trois semaines en passant par la Canal de Panama. Il est mis en service en mai 1941. Il a pour mission d’aider à la manœuvre les bâtiments de la Marine américaine dans le port et la protection incendie du port, navires et infrastructures portuaires.
Il est classifié YT (Yard Tug) avec le matricule 146, il porte donc le numéro de coque YT146. Y pour Yard signifiant qu’il est un remorqueur portuaire destiné à assister les bâtiments de la Marine dans leurs mouvements portuaires mais pas en pleine mer1Merci à antietam et capu.rossu d’avoir un peu partagé avec moi leurs connaissances sur la classification des remorqueurs de la Marine américaine !.

Long de 30 mètres, déplaçant 325 tonnes, il utilise deux moteurs diesel McIntosh & Seymour connectés à deux moteurs électriques Westinghouse reliés à un arbre et une hélice uniques.

Il dispose d’un service incendie complet avec deux moteurs électriques animant deux pompes débitant plus de 7 500 l/min, un canon à eau et trois collecteurs de refoulements, à l’avant, à tribord et bâbord, lui permettant de déployer une douzaine de lances à eau.

Le Hoga lutte contre l'incendie du Cuirassé West Virginia
Le Hoga lutte contre l'incendie du Cuirassé West Virginia

Au moment de l’attaque le Hoga rentrait au port et il s’est porté immédiatement au secours du navire de réparation Vestal amarré près du cuirassé Arizona et touché par deux bombes. Le Hoga l’éloigne de l’Arizona grâce à une remorque.

Il se portera ensuite au secours de l’Oglaga pour lequel il était déjà trop tard.
Des marins blessés sont repêchés et hissés à bord du Hoga qui se dirige alors vers le Nevada. Ce dernier, une cible privilégiée de l’attaque japonaise, tentait de fuir le port. Il est touché par une torpille et cinq bombes dont une incendiaire. Les ponts sont en flammes… Le Hoga s’en approche et actionne son canon à eau. Des lances à eau sont déployées vers le cuirassé dont les équipements incendie ont été emportés par les explosions. Il menace de couler à l’entrée du chenal. Le Hoga va alors le pousser pour libérer l’accès au port tout en maintenant les jets de ses lances et de son canon à eau.

Le navire d’assistance Avocet viendra plus tard lui prêter main forte2L’USS AVP-4 Avocet était un dragueur de mines converti en ravitailleur d’avions. Il ne portait pas d’autres équipements incendie que ceux destinés à sa propre protection mais il pouvait donc tout à fait mettre en œuvre des lances à incendie. Sa petite taille de navire auxiliaire lui permettait de passer entre les navires immobilisés et approcher les navires touchés par les bombes des appareils japonais..
Le Hoga portera secours à d’autres navires comme le cuirassé West Virginia… puis reviendra aux côtés du Nevada pour le surveiller pendant deux jours.
Les jours d’après il sera engagé dans des opérations de recherches de corps, de dégagements de navires endommagés et de débris ou encore de patrouilles de sécurité.
Le Hoga, durant toutes ses opérations, dont la plupart sous le feu de l’ennemi, ne sera pas endommagé et ne comptera pas de victimes ou de blessés parmi son équipage. Ce dernier sera officiellement félicité par l’Amiral Chester Nimitz, Commandant-en-chef de la Flotte du Pacifique.

Avec la croissance durant les années de guerre du nombre de remorqueurs, le Hoga est reclassifié YTB (B pour Big) en 1944. Il reçoit à cette occasion trois canons à eau supplémentaires.

Le Hoga devient bateau-pompe à Oakland

En 1948 le Hoga est retiré du service actif, placé en réserve et remplacé par l’Anacot, YTB-253 . La même année il est loué pour un dollar symbolique annuel au port californien d’Oakland dont il deviendra le premier bateau-pompe. Oakland devenait le premier port américain du Pacifique après le règne centenaire de celui de San Francisco. Le fort trafic portuaire, les raffineries d’East Bay et la base aéronavale à proximité d’Alameda justifiaient la proximité d’un bateau-pompe.
Le Port d’Oakland finance une augmentation de la capacité hydraulique du bateau-pompe qui passe ainsi de 15 000 l/min à près de 38 000 l/min par l’ajout de trois motopompes sur le pont principal3Pour un coût de 73 000 $..

Le bateau-pompe City of Oakland
Le bateau-pompe City of Oakland

En mai 1948 donc il est réceptionné par les pompiers de la ville. En juillet 1948 il est baptisé Port of Oakland puis City of Oakland en 1955.

A partir de 1962, la Marine américaine met en service les remorqueurs de la classe YTB Natick. De ce fait le rôle et les capacités du Hoga passent à un rang inférieur et bien qu’il soit toujours en service à Oakland, la Marine américaine le reclassifie YTM (M pour Medium) en 1963.

Il est classé Monument historique en 1989 pour son action héroïque lors de l’attaque de Pearl Harbor.

Après près d’un demi siècle au service du Port et des pompiers d’Oakland il est rendu à la Marine américaine en 1993. Il est remplacé par le Sea-wolf de plus faible gabarit et capacité avec ses 18 mètres de long et quatre lances monitor pour un débit total de 30 000 l/min.

On envisage le retour du Hoga à Pearl Harbor pour intégrer le mémorial près des cuirassés Arizona et Missouri mais on y renonce car le transfert est jugé trop onéreux.

Le Hoga est dé-commissionné en 1996 par la Marine et mis en réserve à la base navale de Treasure Island puis à Suisun Bay dans la Baie de San Francisco. S’ensuit une longue attente de plusieurs années où l’avenir du navire est incertain et pendant laquelle son état va se dégrader peu à peu…

La retraite

Le Hoga à l'Arkansas Inland Maritime Museum à North Little Rock
Le Hoga à l'Arkansas Inland Maritime Museum à North Little Rock

En 2005 il en est fait don à l’Arkansas Inland Maritime Museum à North Little Rock4Trois autres candidats s’étaient déclarés pour le recueillir. dans l’État d’Arkansas. Mais son transfert de Californie vers l’Arkansas est problématique. Compte tenu de son état le navire ne peut voyager qu’embarqué sur une barge et remorqué mais l’opération est fort coûteuse.

En 2012 il est mis en cale sèche à Vallejo5La ville a abrité jusqu’en 1996 le Mare Island Naval Shipyard, spécialisé dans la construction de navires militaires., toujours en Californie, pour des travaux de remise en état et pour le rendre à nouveau navigable. Le navire retrouve se configuration d’origine : on lui retire deux des trois canons à eau ajoutés en 1948 et on lui redonne sa livrée aux couleurs de Marine américaine.

Il arrive finalement à North Little Rock en 2015 et il intègre enfin l’Arkansas Inland Maritime Museum où il est depuis un monument très fréquenté. Il y est côtoyé par le sous-marin américain Razerback qui se trouvait dans la Baie de Tokyo au moment de la reddition du Japon… Il est probable que les deux bâtiments se soient croisés à Pearl Harbor durant la Seconde guerre mondiale.

Remorqueur portuaire américain de la classe Woban
Une collection de photographies

Notes

Notes
1 Merci à antietam et capu.rossu d’avoir un peu partagé avec moi leurs connaissances sur la classification des remorqueurs de la Marine américaine !
2 L’USS AVP-4 Avocet était un dragueur de mines converti en ravitailleur d’avions. Il ne portait pas d’autres équipements incendie que ceux destinés à sa propre protection mais il pouvait donc tout à fait mettre en œuvre des lances à incendie. Sa petite taille de navire auxiliaire lui permettait de passer entre les navires immobilisés et approcher les navires touchés par les bombes des appareils japonais.
3 Pour un coût de 73 000 $.
4 Trois autres candidats s’étaient déclarés pour le recueillir.
5 La ville a abrité jusqu’en 1996 le Mare Island Naval Shipyard, spécialisé dans la construction de navires militaires.