Les fourgons-pompes
Le fourgon-pompe représente le fer de lance des interventions pour feux des sapeurs-pompiers français. Il est souvent désigné par l’acronyme FP.
- C’est un fourgon, il embarque donc des équipements et matériels utiles : matériels d’établissements et de jonction de lignes de tuyaux, de balisage, d’éclairage ainsi que du matériel individuel de protection et de sauvetage… Ces derniers sont en général rangés dans des coffres latéraux,
- c’est un engin-pompe et à ce titre son moteur de propulsion peut entrainer une pompe à incendie. Ceci grâce à une vitesse particulière qui active un arbre de transmission, lui même activant une pompe d’incendie. C’est ce qu’on appelle une prise de mouvement,
- il embarque des longueurs de tuyaux, soient en dévidoirs, soient en écheveaux rangés dans des coffres. Ces tuyaux permettent des établissements, c’est à dire des branchements de tuyaux depuis l’engin vers les lances à incendie. Des tuyaux particuliers, appelés aspiraux de gros diamètre permettent d’alimenter l’engin depuis un point d’eau,
- il embarque un équipage plus ou moins important pour mettre en œuvre les équipements et matériels décrits ci-dessus,
- Il embarque très souvent des échelles, à crochets, à coulisse…
Le point important à considérer est l’absence de tonne ou de réserve d’eau. Cela signifie que l’équipage, lorsqu’il se présente avec son engin, doit prioritairement alimenter l’engin en eau pour pouvoir établir les lances à incendie. Cette alimentation peut se faire à partir d’un poteau à incendie ou d’une bouche à incendie. Il peut aussi puiser l’eau d’une rivière d’un étang…. mais ces points d’eau peuvent être éloignés des sinistres et la mis en place de l’alimentation de l’engin peut demander un certain temps. Pour cette raison le fourgon-pompe est surtout un véhicule d’incendie urbain qui peut s’appuyer sur un réseau d’adduction d’eau conséquent et suffisamment dense1L’adduction d’eau regroupe les techniques permettant d’amener l’eau depuis sa source à travers un réseau de conduites ou d’ouvrages architecturaux (aqueduc, canal) vers les lieux de consommation, ici en l’occurrence des poteaux ou des bouches à incendie..
Classiquement ce véhicule d’incendie possède une puissance hydraulique permettant d’alimenter au moins deux grosses lances ou quatre petites.
Ses dévidoirs mobiles emportent chacun environ 200 mètres de tuyaux de 70 mm de diamètre. Souvent ils transportent des bidons de liquide émulseur qui leur permet de produire de la mousse extinctrice. Le débit de sa pompe d’incendie varie entre 1 000 l/min et 1 500 ou 2 000 l/min.
Avec les matériels et équipements embarqués, ils peuvent maîtriser seuls, un sinistre important et effectuer les opérations de toutes sortes incombant aux sapeurs-pompiers.
Historiquement les premiers fourgons-pompes motorisés ont été mis en départ au début du XXème siècle :
En 1906 à Paris, le fourgon-pompe Delahaye-Farcot remplace le départ constitué de deux engins hippomobiles, la pompe à vapeur et son fourgon d’accompagnement, en 1909 à Lyon avec une pompe à incendie Berliet CAK dont la conception de la pompe dérivait de celle des pompes à vapeur, en 1908 à Marseille avec une autopompe Turcat-Mery pour ne citer que les services d’incendie de trois grandes métropoles.
Ces premiers engins ne sont pas carrossés et ce n’est qu’à la fin des années 1920 que l’on voit apparaitre des carrosseries fermées. Les constructeurs les plus connus sont Delahaye, Berliet, Somua, Laffly, Renault…
Le fourgon-pompe a été intégré à des départs pré-constitués pour feux. Citons par exemples :
- le Départ normal parisien constitué d’un premier secours, d’une fourgon-pompe et d’une échelle2Le Départ normal parisien est toujours constitué aujourd’hui de deux engins-pompes et d’un moyen élévateur.,
- le Départ lourd des sapeurs-pompiers lyonnais, constitué jusqu’en 1982 d’un fourgon-pompe tonne, d’un fourgon-pompe et d’une échelle3Le départ pour feu aujourd’hui à Lyon est constitué de deux fourgons-pompes tonnes, d’une échelle et d’un véhicule léger à bord duquel prend place le chef de groupe.,
- la Générale ville marseillaise constituée également de deux engins-pompes et d’une échelle, le fourgon-pompe étant la composante lourde de ce départ4Le départ pour feu chez les marins-pompiers de Marseille est aujourd’hui constitué de deux fourgons d’intervention (FI), d’une échelle pivotante et d’un véhicule de secours à victimes. Le chef de garde n’est plus à bord d’un engin d’intervention mais utilise un véhicule léger (voiture radio feu ou VRF) pour intégrer ce départ.
L’évolution du fourgon-pompe
Le fourgon-pompe mixte (FPM)/fourgon mixte(FM)
L’impossibilité d’attaquer un feu directement dès sa présentation rend l’utilisation du fourgon-pompe difficile en zones rurales ou péri-urbaines où le réseau d’adduction est peu important et où il faut aller loin chercher l’eau. C’est pourquoi il a été installé sur l’engin une réserve d’eau, la tonne, en général de 600 à 1 000 litres. Par ailleurs il dispose d’un dévidoir dit de premier secours, pré-connecté à la pompe et à la tonne, lui permettant d’établir et d’alimenter une petite lance à incendie dès la présentation de l’engin et de son équipage. Il dispose ainsi de quelques minutes d’autonomie déterminantes dans l’attaque des feux naissants. Sa dotation en tuyaux de diamètres plus importants et d’aspiraux lui permet d’alimenter l’engin et d’établir d’autres lances si celles-ci s’avèrent nécessaires. De ce fait l’engin a souvent été utilisé comme premier secours, en particulier en milieu urbain.
Le fourgon-pompe tonne (FPT)
Il reprend les caractéristiques du fourgon-mixte mais son emport d’eau est plus important, en général entre 2 000 ou 3 500 litres. C’est l’engin de base pour feux des centres de secours sapeurs-pompiers et un grand classique des véhicules d’incendie. Certains ont marqué l’histoire du parc matériel roulant des services d’incendie comme le fourgon sur châssis Berliet GAK ou encore celui sur châssis Berliet 770 KB6… qui ont été livrés à des milliers d’exemplaires à nos sapeurs-pompiers.
L’engin est normalisé depuis 1958 5NF S 61-515. et doit répondre donc à un certain nombres de spécifications tant pour le châssis et sa motorisation que pour l’équipement incendie.
Il a bien entendu évolué au cours des décennies et ses fonctionnalités et sa fiabilité ont progressé au rythme de celles des poids lourds en général et de celles des équipements de secours et d’incendie : puissance de propulsion du châssis, augmentation de son gabarit et de son PATC6Le poids autorisé en charge ou PATC comprend le poids du véhicule à vide, la charge maximale de marchandises (charge utile) ainsi que le poids maximal du chauffeur et de tous les passagers, l’habitabilité, le confort et l’ergonomie des cabines avec les appareils respiratoires isolants intégrés et prépositionnés pour les équipiers….. mais également l’accessibilité des coffres avec l’apparition des rideaux coulissants, les performances (débit et pression) des pompes avec une régulation électronique, l’injection en ligne automatisée d’un agent additif ou d’un liquide émulseur directement dans la la veine d’eau, la signalisation rétroréfléchissante, la signalisation lumineuse plus visible et moins consommatrice d’énergie…
Les constructeurs des châssis sont Renault, Iveco, Man, Scania… et les équipementiers spécialisés Gimaex, Sides, Iturri, Magirus, Rosenbauer… et donc avec une offre importante devenue européenne.
Il existe une version allégée du fourgon-pompe tonne, le fourgon-pompe tonne léger ou FPTl. Il répond aux besoins de sapeurs-pompiers souhaitant une tonne plus importante que celle d’un premier secours (quelques centaines de litres en général) mais sans pour autant engager systématiquement un fourgon-pompe tonne avec un gabarit et un équipage plus conséquents. C’est encore un engin-pompe avec une tonne d’une contenance comprise en général entre 1 000 et 1 500 litres. Il ne porte qu’un dévidoir mobile. Il embarque souvent une réserve de liquide émulseur. De fait c’est un engin-pompe de premier secours.
Le fourgon-pompe tonne comme le fourgon-pompe tonne léger peuvent exister en version hors chemins (FPT HR) avec une garde au sol modifiée en conséquence et avec deux essieux moteurs. Il est bien adapté aux interventions en zones montagneuses ou rurales, voire en zones péri-urbaines, lorsque de bonnes capacités de franchissement sont nécessaires sans pour autant avoir recours à un camion-citerne forestier (CCF).
Une variante du fourgon-pompe tonne est le fourgon-pompe-tonne mousse (FPTmo) dont l’emport de liquide émulseur a été augmenté afin de mieux lutter contre des feux spéciaux à l’aide de mousse extinctrice. Son armement peut avoir été renforcé par rapport à celui d’un fourgon classique : pompe plus puissante, autoprotection de cabine… et les équipements hydrauliques nécessaires à la production et la projection de mousse comme par exemple une lance-canon… ainsi que des tenues d’approche.
Le fourgon-pompe tonne a subi lui-même des évolutions quand on a souhaité l’engager sur d’autres missions que le service incendie ou encore sur des missions incendie spécifiques. Ainsi le concept de fourgon-pompe tonne et secours routier (FPT SR) a été développé par les sapeurs-pompiers de Meurthe-et-Moselle. Les premiers châssis utilisés ont été des Renault, d’abord Manager 270 puis Premium car il fallait une bonne puissance et un PATC suffisant pour supporter le surpoids liés aux nouveaux matériels et équipements embarqués et en particulier ceux dédiés au secours routier : groupe électrogène, mâchoires, cisailles, coupe-pédale, cric, vérins, coussins de levage, tirfort7Le tirfort est à la fois un palan et un treuil, c’est à dire un appareil de levage et de traction à câble.… sans parler de ceux nécessaires au balisage et à l’éclairage. Cette innovation a été un succès puisque d’autres Services départementaux se sont équipés de tels agrès : Meuse, Haut-Rhin, Oise, Morbihan, Rhône, Cher…
Enfin, de nouvelles versions tunnelisées (FPT-TU) ont fait leur apparition à la suite des drames des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus81999 pour le tunnel du Mont-Blanc, 2005 pour celui du Fréjus.. Ces engins sont équipés de système de conduite infrarouge permettant de progresser dans des atmosphères enfumées et d’un système d’autoprotection. Ils embarquent souvent des équipements de désincarcération (FPTSR-TU).Il existe également quelques rares FPTSR-RR rail/route équipés d’un bogie escamotable leur permettant d’évoluer sur les rails de voies ferrées quand l’accès routier est impossible ou très difficile.
D’autres variantes ont existé mais ont été beaucoup moins nombreuses comme par exemple le fourgon-pompe dévidoir pour lequel, on s’en doute, l’emport de tuyaux a été renforcé.
Le fourgon d’évacuation parisien (FE)
Une étude a été lancée en 1978 par les sapeurs-pompiers de Paris portant sur la conception d’un engin d’intervention hybride pouvant à la fois assurer un service incendie et un secours à personnes. Cette étude a conduit à la conception et à la mise en départ de trois engins dans les années 1980 : le premier secours évacuation (PSE), le fourgon d’appui (FA) et le fourgon d’évacuation (FE). C’est ce dernier qui nous intéresse9Nous traiterons le PSE et le FA avec les dossiers consacrés aux premiers secours et aux grandes puissances.. Le fourgon d’évacuation est toujours un engin-pompe avec une tonne d’eau mais également équipé d’un brancard et d’équipements de secours à victimes. Il est engagé comme un fourgon mixte mais est équipé également pour les premiers soins dans le cadre du secours à victimes et pouvant assurer une évacuation rapide et non médicalisée vers un centre hospitalier. Il a été aménagé par l’équipementier Sides à partir de châssis Renault et Iveco. Sa fonctionnalité de secours à victimes disparait progressivement avec la mise en départ d’engins dédiés comme le Premier secours relevage (PSR) vers 1990 puis le véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) vers 2015.
Les véhicules multi-fonctions (VMF et VIP)
Les sapeurs-pompiers de Gironde ont eu une démarche proche de celle des parisiens au début des années 1980. La réflexion a porté sur la conception d’une engin disposant d’une bonne capacité hydraulique pour pouvoir assurer certaines missions du fourgon-pompe tonne (FPT), sans engager ce dernier sur tous les départs pour feux et ainsi déplacer moins de personnels. Cela a conduit à la mise en départ du véhicule multi-fonctions (VMF) aménagé par Camiva sur des châssis à faible gabarits, le Renault Midliner puis le Renault Midlum. Avec ses deux citernes de 1 000 litres d’eau et de 200 litres d’émulseur, de sa pompe autorégulée, de sa lance du dévidoir tournant (LDT) et de son dévidoir de 200 mètres de tuyaux de 70 mm, le VMF était à même d’être engagé sur des feux de véhicules, des feux de poubelles et des petits feux d’habitation en rez-de-chaussée seulement. Sa polyvalence est assurée par ses matériels embarqués, de balisage, de forcement, d’éclairage, d’anti-pollution, de capture d’animaux…
Ce concept innovant est abandonné dans les années 2010 au profit des fourgons-pompes tonnes légers (FPTL) et véhicules tous usages (VTU) pour les interventions diverses et les fourgons-pompes tonnes pour les départs pour feux.
Les sapeurs-pompiers varois, quant à eux, mettent en départ dans les années 2000 le véhicule d’intervention polyvalent (VIP) basés sur le même principe : engin-pompe avec tonne d’eau et réserve de liquide émulseur pour le service incendie et matériels de désincarcération, balisage, forcement, éclairage, déblai, protection… pour les autres services et missions.
La spécificité varoise réside dans le choix d’un châssis toutes roues motrices et une garde au sol adaptée au hors chemin, le Mercedes Atego, qui est aménagé par Gicar.
Une collection de photographies :
- Les fourgons-pompes
- Les fourgons-pompes mixtes
- Les fourgons-pompes tonnes
- Les fourgons-pompes tonnes légers
- Les fourgons d’évacuation
- Les fourgons-pompes polyvalents (VIP et VMF)
Notes
↑1 | L’adduction d’eau regroupe les techniques permettant d’amener l’eau depuis sa source à travers un réseau de conduites ou d’ouvrages architecturaux (aqueduc, canal) vers les lieux de consommation, ici en l’occurrence des poteaux ou des bouches à incendie. |
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↑2 | Le Départ normal parisien est toujours constitué aujourd’hui de deux engins-pompes et d’un moyen élévateur. |
↑3 | Le départ pour feu aujourd’hui à Lyon est constitué de deux fourgons-pompes tonnes, d’une échelle et d’un véhicule léger à bord duquel prend place le chef de groupe. |
↑4 | Le départ pour feu chez les marins-pompiers de Marseille est aujourd’hui constitué de deux fourgons d’intervention (FI), d’une échelle pivotante et d’un véhicule de secours à victimes. Le chef de garde n’est plus à bord d’un engin d’intervention mais utilise un véhicule léger (voiture radio feu ou VRF) pour intégrer ce départ. |
↑5 | NF S 61-515. |
↑6 | Le poids autorisé en charge ou PATC comprend le poids du véhicule à vide, la charge maximale de marchandises (charge utile) ainsi que le poids maximal du chauffeur et de tous les passagers |
↑7 | Le tirfort est à la fois un palan et un treuil, c’est à dire un appareil de levage et de traction à câble. |
↑8 | 1999 pour le tunnel du Mont-Blanc, 2005 pour celui du Fréjus. |
↑9 | Nous traiterons le PSE et le FA avec les dossiers consacrés aux premiers secours et aux grandes puissances. |