La Caserne centrale des pompiers de Marseille (1912)
Au milieu du XIXè siècle le Corps de sapeurs-pompiers de Marseille est composé d’environ 120 volontaires et d’une trentaine de titulaires professionnels. Il n’y avait pas encore de casernement, la garde s’effectuant depuis l’Hôtel de ville à proximité du port. Deux postes de secours supplémentaires sont situés Place Saint-Ferréol et Allées de Meilhan. D’autres postes sont progressivement créées au fil des années même si l’effectif varie peu mais s’inverse au profit des titulaires professionnels : La joliette en 1852, La Plaine en 1862, Le Pentagone en 1866, Saint-Victor en 1869, Les Chartreux en 1876…
Chacun de ces postes est équipé d’une pompe à bras.
A la fin du siècle l’effectif est de 140 hommes mais toujours sans casernement.
Les sapeurs-pompiers de Marseille pouvaient compter sur le renfort des équipages et des pompes de la Compagnie des chemins de fer PLM (depuis la Gare Saint-Charles) ou encore ceux et celles des compagnies de navigation ou de la Chambre de commerce.
Enfin une caserne !
En juillet 1906 le Conseil Municipal valide un projet de construction d’une caserne de sapeurs-pompiers. Il est confié à l’architecte en chef de la Ville, Léonce Müller (1841-1924)1On doit également à Léonce-Aloïs Müller la Maison de la Mutualité (1906), le Lycée Victor-Hugo (1905) et de nombreux immeubles du Boulevard Perrier et de l’Avenue du Prado, le crématorium du cimetière Saint-Pierre (1907)… qui travaille sur un avant-projet.
Ce dernier se serait inspiré entre autres de l’architecture des casernes parisiennes. Il est vrai que l’on peut observer un air de famille entre la façade principale initialement prévue et celle par exemple de la caserne Montmartre située rue Carpeaux à Paris.
Cet avant-projet prévoit, outre des logements, un dortoir et les fonctionnalités courantes (cuisine, douches, toilettes, lavabos,…), une cour de manœuvre, une tour d’exercice, des magasins, des dortoirs pour les célibataires et les hommes de garde, un atelier de réparation, un lavoir, des salles de réunions, des locaux à fourrages pour les chevaux …
Il intègre également un poste de police, une chambrée pour l’officier de garde… et bien entendu les travées pour remiser les engins d’incendie hippomobiles.
Pour engager la construction, la la Ville emprunte la somme de 750 000 francs remboursable en 30 ans.
Le projet conçu par Müller et son coût ne sont pas du goût du Conseil des Bâtiments civils de Paris2Le Conseil des Bâtiments civils fut une institution entièrement dédiée à l’examen de l’architecture. Ses membres formulaient des avis, à l’intention du ministre de l’Intérieur, sur tous les projets d’architecture publique projetés en France. et, en 1909, une polémique s’installe entre ce dernier et la Ville. Le ministre de l’Intérieur tranche en faveur des propositions de la Ville.
Toutefois des modifications sont demandées par le rapporteur de la Commission, Jacques Hermant, ce dernier ayant conçu la caserne des Célestins de la Garde Républicaine à Paris. Ces modifications portent surtout sur l’organisation fonctionnelle des locaux.
Saint-Lazare
L’emplacement choisi est le quartier Saint-Lazare3Lazare, ou Saint-Lazare, est un évêque d’Aix-en-Provence du Ve siècle, premier évêque du diocèse d’Aix., dans le troisième arrondissement situé au nord de la cité phocéenne, probablement pour sa position stratégique. Il est en effet à deux pas des Docks de la Joliette, de la Gare Saint-Charles (ouverte en 1848), du Vieux-Port, situé au milieu de la Ville, et de la Canebière. La construction se fait sur le Boulevard de Strasbourg4Le boulevard fait référence à la ville de Strasbourg qui a résisté durant son siège lors de la guerre franco-allemande de 1870., large boulevard en ligne droite, où se trouve déjà depuis 1903 le bâtiment des douanes.
La construction, confiée à l’entrepreneur Fourestier, est démarrée en 1910 et se termine en 1912. La caserne est inaugurée le 1er juillet 1912.
Une construction exotique ?
L’édifice est imposant : 70 mètres de long ! Il a la forme d’un U en biais composé d’un corps central de cinq travées et de deux ailes avec aux angles deux tourelles implantées à 45 à flèches carrées et formant des bow-windows (parmi les premières en Europe).
Le corps central est couvert de toits à quatre pans. Le toit des tourelles est en forme de comble pyramidal (quatre faces dont chacune est un triangle équilatéral) à tirant retroussé. Les autres toits sont des toits terrasses.
Les travées destinées à recevoir les engins d’incendie sont placées dans de grandes arcades cintrées et s’ouvrent directement sur le boulevard de Strasbourg.
L’ensemble est remarquable par sa polychromie : tuiles vernissées, pierre et brique de couleurs, briques vernissées, carreaux de céramique… A celle-ci s’ajoutent deux mascarons5En architecture, un mascaron est un ornement représentant généralement un masque, une figure humaine. en pierre ornant les deux portes principales de la casernes symbolisant l’eau pour l’une et le feu pour l’autre. Ces sculptures, destinées à ornementer la façade, sont l’œuvre de Stanislas Clastrier (1857 – 1925).
En 1914 l’Encyclopédie des Bouches-du-Rhône l’évoquera de manière cocasse sous la plume de Gustave Mouriès qui le qualifie alors de construction exotique ou de palais fantaisiste !
Il est vrai que lorsqu’on arrive dans le quartier Saint-Lazare, dans le troisième arrondissement de Marseille, l’édifice ne passe pas inaperçu !
L’arrivée des marins-pompiers
Suite à l’incendie du magasin de nouveautés Les Nouvelles-Galeries, en octobre 1938, un décret-loi de juillet 1939 dissous le Corps municipal des sapeurs-pompiers de Marseille et le remplace par un unité de marins-pompiers, un bataillon, sous les ordres d’un officier supérieur de Marine.
Lorsque les premiers marins du feu arrivent à Marseille, en aout 1939, la caserne principale est encore occupée par les sapeurs-pompiers communaux. Le Capitaine de Frégate Orlandini, premier commandant du Bataillon, et son état-major s’installent dans une usine désaffectée, réquisitionnée par le Contre-Amiral Muselier6En 1938, il est le commandant de la Marine et du secteur de défense de la ville de Marseille.. Elle devient la Caserne de Lyon et accueille donc les premiers détachements de marins-pompiers, leur nouveau matériel et, temporairement, l’État-major du Bataillon. Celui rejoint définitivement la Caserne principale, boulevard de Strasbourg, le 1er juin 1940.
Le COSSIM
En 1988 une annexe est construite côté rue Kléber, à l’arrière donc et dans l’alignement de la caserne principale.
Conçue par les architectes André Jollivet et Jacques Boutron, de conception plus moderne, elle privilégie la lumière naturelle avec en particulier une arcade voutée cylindrique à structure métallique offrant de larges parties vitrées.
Cette annexe intègre le COSSIM, Centre Opérationnel des Services de Secours et d’Incendie de Marseille, où sont traités les appels aux 18 et 112 de la cité phocéenne.
Le CIS Saint-Lazare ou CIS SLZ
Jusqu’en 1998 la Caserne principale mettait aussi en départ, en plus de l’intégration de l’état-major, des engins de secours et d’incendie et leurs équipages pour défendre le secteur.
Cette année-là le Bataillon décide d’implanter un poste rue Antoine Matte, en face de la caserne principale, pour décongestionner l’état-major.
En 2000 ce poste prend le nom de poste Saint-Lazare pour mieux tenir compte de sa position géographique au sein de la Ville.
Les engins en départ depuis ce centre d’incendie et de secours (CIS) portent ainsi les marquages SLZ en remplacement du marquage précédent STB pour Strasbourg.
Le véhicule de liaison autorité du commandant du Bataillon est en départ depuis une travée du bâtiment central.
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Notes
↑1 | On doit également à Léonce-Aloïs Müller la Maison de la Mutualité (1906), le Lycée Victor-Hugo (1905) et de nombreux immeubles du Boulevard Perrier et de l’Avenue du Prado, le crématorium du cimetière Saint-Pierre (1907)… |
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↑2 | Le Conseil des Bâtiments civils fut une institution entièrement dédiée à l’examen de l’architecture. Ses membres formulaient des avis, à l’intention du ministre de l’Intérieur, sur tous les projets d’architecture publique projetés en France. |
↑3 | Lazare, ou Saint-Lazare, est un évêque d’Aix-en-Provence du Ve siècle, premier évêque du diocèse d’Aix. |
↑4 | Le boulevard fait référence à la ville de Strasbourg qui a résisté durant son siège lors de la guerre franco-allemande de 1870. |
↑5 | En architecture, un mascaron est un ornement représentant généralement un masque, une figure humaine. |
↑6 | En 1938, il est le commandant de la Marine et du secteur de défense de la ville de Marseille. |