La troisième compagnie des sapeurs-pompiers de Marseille, 1938


A la fin des années 1930 et avant l’incendie du magasin de nouveautés Les Nouvelles Galeries en octobre 1938, le Corps municipal de sapeurs-pompiers de Marseille est composé de trois compagnies pour un effectif total d’environ quatre cent hommes dont cinq officiers d’État-Major1A titre de comparaison le Bataillon de marins-pompiers de Marseille présente aujourd’hui un effectif d’environ 2 500 personnels.. Les deux premières compagnies sont des compagnies de ville stationnées à la Caserne centrale du boulevard de Strasbourg dans le centre ville de Marseille2Cette caserne est depuis juillet 1940 l’État-Major du Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Le Boulevard est nommé ainsi en 1871 en hommage au siège de Strasbourg l’année précédente lors de la Guerre franco-allemande de 1870..

La troisième compagnie est directement assignée à la protection du Port de Marseille du fait du fort trafic maritime et des risques associés. Bien qu’appartenant au Corps Municipal, pour qui elle peut intervenir en renfort, cette compagnie est équipée par la Chambre de Commerce de Marseille. Fort de 130 sapeurs-pompiers répartis en deux pelotons, la moitié d’entre-eux est affectée aux deux bateaux-pompes de la Compagnie. Elle occupe deux centres de secours, l’un situé à La Bigue (une garde d’une quinzaine d’hommes) et l’autre à la Madrague (une garde d’une dizaine d’hommes), dans l’enceinte du Port de Marseille. Une vingtaine d’hommes est affectée à chaque bateau-pompe.

Le matériel terrestre

Fourgons-pompes de la IIIème Compagnie des sapeurs-pompiers de Marseille
Fourgons-pompes de la IIIème Compagnie des sapeurs-pompiers de Marseille

La troisième compagnie est équipée:

  • d’un fourgon-pompe Somua de grande puissance équipée d’une pompe Drouville d’un débit de 300 m3/h mis en départ en 1930,
  • d’un camion-dévidoir Somua équipé d’une lance Monitor montée sur affût (300 m3/h) également mis en départ en 1930 pour accompagner l’autopompe de grande puissance,
  • de deux fourgons-pompes Rochet-Schneider, équipés également d’une pompe Drouville d’un débit de 100 m3/h, mis en départ en 1931.

Ces engins ont été achetés par la Chambre de Commerce de Marseille et c’est son marquage qu’ils portent et nom pas les armoiries des sapeurs-pompiers municipaux de Marseille.

Les moyens nautiques

Bateau-pompe Durance
Bateau-pompe Durance

En septembre 1922 avait été mis en service la Durance, bateau-pompe de près de 17 mètres, à moteurs à essence, équipé d’une pompe Rateau de 200 m3/h. Il avait été construit par les Chaudronneries du Midi. Il avait participé à l’extinction du paquebot Paul Lecat mais également à celui du Cargo anglais Otterburn en novembre 1923.

Il est sabordé en Aout 1944 par la Kriegmarine qui avait entrepris la destruction de Port de Marseille à l’approche des troupes alliées. Relevé en octobre 1946, il reprend du service puis sera envoyé à la démolition en 1952 à la mise en service de son remplaçant, le Pythéas.

L’Alerte, bateau-pompe de 37 mètres, est mis en service en octobre 1931. Construit par la Société provençale des constructions navales, il est animé par une propulsion diesel électrique, comme le sera le Fire Fighter de New York sept ans plus tard. Deux moteurs diesel Sulzer de 1100 ch alimentent deux génératrices de courant électrique elles mêmes alimentant deux moteurs électriques qui animent à leur tours deux hélices et les pompes.

Bateau-pompe Alerte
Bateau-pompe Alerte

Le navire, le plus moderne du moment, est équipé d’une pompe d’épuisement Rateau d’un débit de 3 000 m3/h, de trois pompes à incendie Rateau d’un débit de 400 m3/h. Il est armé de cinq lances Monitor dont une sur un mât tourelle de seize mètres de hauteur.

Il est en outre équipé de distributeurs de refoulements à partir desquels peuvent être établis des lignes de tuyaux. Cette dernière possibilité hydraulique sera largement et heureusement utilisée lors de l’incendie des Nouvelles Galeries à Marseille en octobre 1938.

Ses amarres ont été heureusement libérées par les marins-pompiers juste avant la tentative de destruction du Port de Marseille par l’occupant allemand en août 1944. Il échappe donc au sabordage par les artificiers de la Kriegmarine. Il échappe aussi par miracle aux mines disséminées dans les bassins du port et sera récupéré indemne.

Il est retiré du service en avril 1965 et vendu pour démolition.

La IIIème compagnie et l’incendie des Nouvelles Galeries

On le sait le magasin des Nouvelles Galeries, qui avait ouvert ses portes en septembre 1901, a dramatiquement été détruit par un incendie accidentel en octobre 1938.

L'incendie du magasin Les nouvelles Galeries à Marseille en octobre 1938
L'incendie du magasin Les nouvelles Galeries à Marseille en octobre 1938

Bien entendu le IIIème compagnie est appelée en renfort des compagnies de ville. Moins d’une minute après l’appel l’autopompe de grande puissance Somua et son camion dévidoir d’accompagnement sont en départ avec leurs équipages au complet sous les ordres du sous-lieutenant Cayol.

L’ensemble de grande puissance, capable de débiter 300 m3/h, est particulièrement adapté à ce type d’incendie. Pourtant des témoignages ont attesté que la pompe du fourgon a tourné de manière irrégulière, probablement du fait de l’insuffisance de la pression de la conduite d’alimentation en eau. Patrick DALMAZ3Patrick DALMAZ, Enfer sur la Canebière, Éditions Jeanne Laffitte, 2000., ancien responsable du Comité national d’histoire des sapeurs-pompiers de France, évoque la possibilité d’une coupure d’eau volontaire par le service des eaux. En effet le personnel de ce dernier, qui n’aurait pas été informé de l’incendie et notant une forte demande en eau due à l’action des pompiers, aurait cru à une fuite accidentelle et aurait tout simplement fermé les vannes de départ du réseau !

Une autre version ferait état d’une erreur dans le carnet de bouches4 Le carnet de bouches recensait toutes les bouches à incendie situées sur la commune et surtout leurs caractéristiques techniques: leur débit, le réseau d’alimentation auquel elles sont connectées… en possession du sous-lieutenant Cayol qui aurait donc cru, à tort, que les caractéristiques de la bouche à incendie à laquelle on avait branché l’autopompe étaient compatibles avec une pleine puissance de l’hydraulique de celle-ci. Constatant le faible débit des lances établies depuis l’autopompe le sous-lieutenant prend alors la décision de l’utiliser comme pompe-relais des lances déjà établies afin de relever leurs puissances.
Le bateau-pompe Alerte se présente au bassin du Lacydon au bas de la Canebière moins de quarante minutes après avoir été activé. Il mettra pourtant plus d’une demi-heure à se frayer un chemin jusqu’au Quai des Belges, les eaux du Port étant encombrées par de petites embarcations amenées là par leurs équipages pour mieux observer le drame en train de se jouer !

L’Alerte accoste enfin et permet de développer des lignes d’eau à partir de ses distributeurs de refoulements, dont la pression sera relevée par des autopompes et motopompes, jusqu’au sinistre situé 600 mètres plus loin. Ainsi sept grosses lances pourront être établies et alimentées en pression.

La dissolution

Les trois compagnies du Corps municipal des sapeurs-pompiers de Marseille sont dissoutes en 1939 et remplacées par le Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM).

Les moyens terrestres et nautiques de la IIIème compagnie, comme ceux des deux autres, continueront d’être mis en départ par les pompiers de la Marine mais une importante commande de matériels complémentaires est passée dont trois autopompes de grande puissance et six camions dévidoirs avec lances Monitor sur affût…qui arriveront à Marseille à partir de 1939 de manière progressive du fait de l’entrée en Guerre…

Notes

Notes
1 A titre de comparaison le Bataillon de marins-pompiers de Marseille présente aujourd’hui un effectif d’environ 2 500 personnels.
2 Cette caserne est depuis juillet 1940 l’État-Major du Bataillon de marins-pompiers de Marseille. Le Boulevard est nommé ainsi en 1871 en hommage au siège de Strasbourg l’année précédente lors de la Guerre franco-allemande de 1870.
3 Patrick DALMAZ, Enfer sur la Canebière, Éditions Jeanne Laffitte, 2000.
4 Le carnet de bouches recensait toutes les bouches à incendie situées sur la commune et surtout leurs caractéristiques techniques: leur débit, le réseau d’alimentation auquel elles sont connectées…