Les bateaux-pompes Matelot Louis Colet et Capt de corvette Paul Brutus de Marseille (2018 et 2019)

Au cours des années 2010 les bateaux-pompes Louis Colet et Lacydon, armés par les marins-pompiers de Marseille depuis 1964 pour le Lacydon et 1974 pour le Louis Colet, sont mis en retrait du service actif¹2013 pour le Lacydon et 2015 pour le Louis Colet., atteints chacun par sa limite d’age.
Deux nouveaux bateaux-pompes sont commandés au chantier naval Socarenam de Boulogne-sur-mer.

Leur conception est confiée au cabinet d’architecture navale Mauric implanté à Marseille et à Nantes. C’est cette même association de savoir-faire, Socarenam/Mauric, qui avait conçue et construit les vedettes d’intervention de rade (VIR) Las et Douffine armées par les marins-pompiers de Toulon et Brest. C’est encore Socarenam qui a construit la barge d’incendie de rade (BIR) également pour les marins-pompiers de Toulon.

Le programme est financé par la Ville de Marseille et le Département des Bouches-du-Rhône. Ils sont destinés à remplacer leurs deux prédécesseurs pour la défense du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM). Ils sont également toujours armés par le Bataillon de marins-pompiers de Marseille.

Le Matelot Louis Colet, remplaçant du Louis Colet, premier du nom, est mis à quai à Port-de-Bouc, au centre d’incendie et de secours Second-Maître Gaulier²Le second maitre Félix Gaulier est mort au feu en 1953 au cours de l’incendie du cargo Sidi-Ferruch dans le port de Marseille., pour la défense de la rade ouest du Port³Le Bataillon de marins-pompiers de Marseille assure depuis 1971 la protection des ports de l’ouest, Fos, Port-de-Bouc et Lavéra. tandis que le Capitaine de corvette Paul Brutus est mis à quai à la caserne de La Bigue à Marseille pour la défense de la rade est⁴Rappelons qu’une rade est un lieu d’ancrage mal fermé, ouvert aux vents maritimes. et en remplacement du Lacydon.

Rappelons que le matelot Louis Colet était un marin-pompier, homme de liaison à bord du bateau-pompe Pythéas, qui a perdu la vie lors de l’incendie du cargo Sidi-Ferruch en 1953 dans le port de Marseille.
Quant au Capitaine de corvette Paul Brutus, il était un officier marin-pompier affecté à la caserne de La Bigue où il avait dirigé la section des plongeurs. Il a perdu la vie en 1989 lors d’un feu de forêt aux Pennes-Mirabeau dans la banlieue nord de Marseille alors qu’il commandait un groupe de soutien aux sapeurs-pompiers du département des Bouches-du-Rhône⁵Une rue de Marseille porte également aujourd’hui son nom dans le 15ème arrondissement, à proximité du port. Une rue également aux Pennes-Mirabeau a été baptisé en hommage à cet officier mort au feu..

Les sapeurs-pompiers des Alpes-Maritimes ont également voulu rendre hommage à cet officier en baptisant de son nom une vedette d’intervention amarrée à Cannes.

Le Capitaine de corvette Paul Brutus est baptisé le 25 mai 2018 en présence de Mme Jacqueline Brutus, veuve de l’officier marin-pompier mort au feu. Le Matelot Louis Colet, quant à lui, est baptisé le 8 mars 2019.

Les deux navires identiques, sister-ships en langage maritime⁶Les sister-ships désignent des navires identiques de construction : mêmes caractéristiques, même classe, même chantier naval. Le terme anglais est sister ( sœur ) car la langue anglaise traditionnelle utilise le genre féminin pour désigner les bateaux., sont classés Bateaux-pompe légers ou BPL car effectivement ils présentent un gabarit plus réduit que ceux de leurs illustres prédécesseurs :

• près de 25 mètres (24.90 mètres) contre 49 mètres pour le Louis Colet et 40 mètres pour le Lacydon,
• un déplacement de 128 tonnes à pleine charge contre 655 tonnes pour le Louis Colet et 790 tonnes pour le Lacydon.

Leurs coques en acier, leurs infrastructures en aluminium, ils sont propulsés par deux moteurs diésels Caterpillar de 412 kW , à 16 cylindres en V, entrainant chacun une ligne d’arbres avec hélice à pas fixe, ce qui leur permet d’atteindre la vitesse de 12 nœuds (environ 22 km/h). Un propulseur d’étrave hydraulique  améliore leur manœuvrabilité. L’autonomie des bâtiments est de 200 miles marins soient plus de 350 km, 24 heures à pleine charge.

L’équipement incendie

Deux pompes d’incendie Azcue d’un débit de 600 m3/h alimentent  trois canons à incendie mixtes eau-mousse du fournisseur Pok, avec un débit 8 000 l/min pour deux d’entre-eux situés sur la plage avant, un sur chaque bord, et 3 000 l/min pour l’autre situé sur le toit de la passerelle, chacun à 12 bar de pression.
Ces canons permettent une portée de 70 mètres et sont commandés depuis la cabine par joysticks.

Les pompes alimentent également qu’une quinzaine de sorties de refoulements répartie sur deux rampes situées en plage arrière.

Ces pompes sont entrainées par deux moteurs hydrauliques⁷Un moteur hydraulique convertit l’énergie hydraulique, sous forme de pression et de débit, en énergie mécanique rotative. eux mêmes animés par les moteurs de propulsion grâce à une transmission. Cette dernière permet de dériver une partie de la puissance des moteurs vers l’équipement d’incendie tout en conservant la puissance nécessaire à une bonne manœuvrabilité du bâtiment.

Les deux bâtiments portent chacun 6 000 litres de liquide émulseur avec un dispositif d’injection directe dans les lignes d’eau que ce soit vers les canons ou vers les distributeurs de refoulements.

Sur la plage arrière se trouve une grue hydraulique de manutention Guerra d’une capacité de quatre tonnes destinée à déplacer des charges, les deux navires pouvant être utilisés pour transporter des équipements et des matériels (motopompes, matériels de dépollution…), par exemple à destination de l’ile du Frioul⁸ au large de Marseille et défendue par un centre de secours avancé des marins pompiers de Marseille⁸A Marseille la Grande Jetée est un ouvrage en eaux profondes de près de sept kilomètres de long qui épouse la forme des ports de la Joliette et d’Arenc. En fonction du trafic des navires peuvent y mouiller ou encore y stationner pour un hivernage ou des réparations. Cette jetée est reliée à la terre par deux ponts, l’un tournant et l’autre levant. En cas de dysfonctionnement de ces ponts la Grande Jetée devient une île et en cas de sinistre il est nécessaire d’acheminer le matériel adéquat pour le combattre.  C’est toutefois le navire d’intervention portuaire (NIP) Pythéas II qui est prioritairement voué à cette tâche..

Cette grue peut être aussi utilisée pour la mise à l’eau d’une embarcation de type semi-rigide. Cette dernière, quand elle est embarquée sur la plage arrière, permet des sauvetages, des reconnaissances, des approches ou l’établissement de lignes de tuyaux flottantes vers le rivage (incendies de forêts…)…

Une petite grue d’atelier manuelle est positionnée à l’avant avec une charge maximale d’utilisation de 150 Kg.

A bord se trouvent bien sur les longueurs de tuyaux nécessaires à des établissements vers les rivages, les quais ou les navires sinistrés.

Les deux navires disposent d’un système d’autoprotection qui alimentent, via un système hydraulique de distribution, des buses projetant un brouillard d’autour d’eux de manière à les protéger des rayonnements thermiques.

Deux groupes électrogènes Caterpillar fournissent l’électricité de bord.

Équipement de secours à victimes

Les deux navires sont équipés d’un local médical, espace de santé, équipé comme une ambulance de réanimation terrestre. Il peut accueillir jusqu’à cinq blessés légers ou un blessé grave.
La plage arrière des deux bâtiments forme une rampe de mise à l’eau pour des plongeurs lors d’interventions subaquatiques.

Les interventions

Si les deux navires sont d’un gabarit plus réduit que leurs prédécesseurs ils en sont plus polyvalents. Ainsi ils peuvent intervenir dans les situations suivantes :

• lutte contre les feux de navires qu’ils soient à quai ou en rade, jusqu’à 20 miles du rivage (une quarantaine de km environ),
• alimentation en eau des engins d’attaque pour des sinistres à proximité d’une zone d’accostage ou d’approche (possible grâce au faible tirant d’eau des deux navires de 1.84 m contre plus de trois mètres pour leur prédécesseurs),
• lutte contre les feux de forêts lorsqu’ils se produisent en secteurs côtiers,
• recherche de personnes, évacuation  (éventuellement par un moyen héliporté) et soins immédiats si nécessaires,
• interventions subaquatiques,
• reconnaissance, remorquage, protection…
• et des missions plus souriantes : participation à des événements comme l’inauguration d’un navire, entrée dans le port d’un navire remarquable, arrivée d’une régate ou d’un skipper célèbre…

Pilotage et navigation

La cabine de pilotage de chaque navire est en position haute permettant une vue panoramique sur son environnement. Un système de vidéo embarquée avec cinq caméras permet de surveiller tous les espaces de travail y compris la salle des machines et des pompes. On l’a vu plus haut les canons sont télécommandés depuis la passerelle, chacun de manière indépendante.

Patrons ⁹Patron est l’appellation officieuse des marins des grades de maître et premier maitre. et techniciens spécialistes du corps de équipages de la flotte de la Marine nationale,  se relaient en permanence pour assurer un équipage de conduite de trois membres et un appareillage en quelques minutes.

Un embarquement jusqu’à une quinzaine de personnels est possible dont une équipe d’intervention d’une dizaine d’équipiers marins-pompiers et trois membres de l’équipe médicale en plus de l’équipe de conduite.

La mise en œuvre de ces deux bâtiments fait du port de Marseille le plus sécurisé d’Europe¹⁰Rappelons toutefois que le bateau-pompe Louis Colet était déjà le bateau-pompe le plus puissant d’Europe !.

Remerciements

Merci à Emmanuel BONICI d’avoir partagé avec nous ses photographies du bateau-pompe Matelot Louis Colet ainsi que Vincent JURIENS sans oublier Jacques MARQUET pour ses illustrations.