Le véhicule multi-fonctions Camiva des sapeurs-pompiers de Gironde (1996)
Le précurseur
A partir de 1985 le Corps des sapeurs-pompiers de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) s’équipe de véhicules pour interventions diverses baptisés véhicules légers d’intervention et de secours (VLIS). Ces véhicules, conçus par les services techniques du Corps sur des châssis Renault Master T30 D puis T35 D, disposaient d’une motopompe haute pression alimentée par une citerne de 300 litres d’eau accessible par la porte latérale du véhicule. L’ensemble des nombreux agrès du véhicule était accessible par la double porte arrière du véhicule.
Au total, huit VLIS ont été mis en service par les pompiers de la CUB entre 1985 et 1990.
Ainsi, chacun des huit centres d’intervention de la CUB était doté d’un VLIS qui décalait avec trois pompiers à bord pour interventions diverses, secours à personnes ou feux de véhicules et poubelles.
Le concept du véhicule multi-fonctions
A partir du début des années 1990, une réflexion est menée par les services techniques des sapeurs-pompiers de la CUB pour développer un véhicule plus fonctionnel et plus puissant qui puisse remplacer les VLIS.
Ce nouveau véhicule devait disposer d’une capacité hydraulique supérieure à celle du VLIS pour pouvoir assurer certaines missions du fourgon-pompe tonne (FPT), afin de ne pas engager ce dernier sur tous les départs pour feux et ainsi déplacer moins de personnels. Il convient de souligner qu’à cette époque les FPT étaient encore armés à huit sapeurs-pompiers. Mais il devait aussi pouvoir emporter l’ensemble des matériels pour interventions diverses du VLIS pour continuer à assurer ces missions.
C’est ainsi qu’est créé un nouveau concept unique en France de véhicule polyvalent baptisé véhicule multi-fonctions ou VMF. Un cahier des charges prévoyant notamment l’aménagement des coffres latéraux permettant de loger en plus du matériel incendie, le matériel pour opérations diverses tel que l’aspirateur à eau ou la motopompe d’épuisement est établi par les services techniques des pompiers de la CUB. Camiva aménagera les trois premiers exemplaires du VMF mis en service en 1996. Le châssis Renault Midliner S150 fut préféré à celui d’Iveco en raison de son gabarit plus réduit permettant une maniabilité plus élevée de l’engin dans les rues étroites du centre ville de Bordeaux.
Au total le corps des sapeurs-pompiers de la CUB mettra en service sept VMF entre 1996 et 1999 qui remplaceront progressivement les VLIS dans les différents centres d’intervention.
L’intégration du Corps des sapeurs-pompiers de la CUB au Service départemental d’incendie et de secours de la Gironde (Sdis 33) en 1999 ne marqua pas la fin du concept du VMF, puisqu’en plus des sept véhicules précédemment acquis par la CUB, cinq nouveaux véhicules seront achetés entre 2000 et 2005 par le Sdis.
Ces véhicules ont été majoritairement affectés dans les centres de secours du groupement centre défendant la CUB mais aussi hors CUB pour les deux derniers exemplaires en départ depuis les centres de secours de Libourne et d’Arcachon.
Tous les VMF ont été aménagés par Camiva sur des châssis Renault, les huit premiers sur des châssis Midliner S150 et les 4 derniers acquis entre 2002 et 2005 sur des châssis Midlum M220 dci.
Le VMF a été conçu pour éviter l’engagement systématique d’un FPT sur des interventions ne nécessitant pas son potentiel hydraulique. Son équipage est aussi plus réduit que celui d’un FPT puisqu’il n’est armé que par cinq sapeurs-pompiers maximum. Cet effectif a été abaissé à quatre sapeurs-pompiers : un conducteur, un chef d’agrès et un binôme d’attaque, assis dos à la route pour des raisons de sécurité.
En raison de ses deux citernes de 1 000 litres d’eau et de 200 litres d’émulseur, de sa pompe autorégulée d’un débit de 1 000 litres/minute sous 15 bar, de sa lance du dévidoir tournant (LDT) et de son dévidoir de 200 mètres de tuyaux de 70 mm, le VMF était à même d’être engagé sur des feux de véhicules, des feux de poubelles et des petits feux d’habitation en rez-de-chaussée seulement.
A noter que dès ses premiers exemplaires en 1996, le VMF pouvait produire directement de la mousse sur une ligne de 45 en sortie de pompe, sans manipulation des habituels fûts d’émulseurs, grâce à sa citerne d’émulseur et un injecteur proportionneur en ligne, ce qui constituait une innovation pour les véhicules d’incendie du corps des pompiers de la CUB. Le VMF pouvait aussi intervenir en renfort d’un véhicule de secours à victimes (VSAV) pour le relevage de personnes sur accident de la circulation ou pour le forcement de portes de locaux fermés.
Avec son matériel divers, ses autres missions pouvaient être très variées allant de l’assèchement de caves ou de locaux inondés, à la protection et au déblaiement en passant par la capture d’animaux.
Un armement polyvalent
Malgré son faible gabarit, le VMF disposait d’un armement très polyvalent rangé dans les coffres latéraux, un coffre sur toit et la cabine.
L’originalité du VMF pour l’époque était de disposer de 2 x 100 mètres de tuyaux de 45 mm pliés en écheveau, ce qui faisait de ce véhicule un des précurseurs dans ce domaine. Ces cinq longueurs de vingt mètres de tuyaux de 45 mm étaient rangées en écheveau dans un caisson amovible placé en partie centrale du véhicule et se trouvaient ainsi accessibles aussi bien du coté droit que du coté gauche de l’engin. Ces tuyaux étaient directement dévidés par le binôme d’attaque et mis en alimentation par le conducteur sur les deux sorties de 45 de la pompe. Une sortie de 70 mm est également disponible.
Ces tuyaux étaient accompagnés de chaque côté du véhicule d’une lance à débit variable (LDV) et de son fût mousse.
Principaux équipements du VMF :
- matériel de sauvetage et de secours à personne (coffre électro-secours, lot de sauvetage, valise pharmacie, bouteille d’oxygène, bouée),
- matériel de lutte contre l’incendie (tuyaux de 45, de 70 et de 110mm, LDV, raccords, clefs, extincteurs à CO2 et poudre, quatre appareils respiratoires isolants (ARI) et quatre bouteilles de réserve, explosimètre),
- matériel de forcement, de protection et de déblais (ouvre-porte hydraulique, tronçonneuse, disqueuse à fer, fourche, pelle, balais, rouleaux de polyane, sciure),
- matériel d’épuisement et d’assèchement (aspirateur à eau électrique de grande capacité, motopompe d’épuisement 60 m3 /h, électro-pompe submersible, tuyaux d’aspiration semi-rigides),
- matériel d’éclairage (projecteurs sur trépied, tourets de câbles électriques, groupe électrogène de 2 kVA),
- lot anti-pollution (matériel de colmatage, citerne souple),
- lot de capture d’animaux (perche, filet, lasso),
- matériel de balisage (cônes de signalisation, feux à éclats),
- échelles simple, à trois plans et à crochets.
La fin du VMF
Les VMF ont quitté le dispositif opérationnel du SDIS 33 à partir de 2012. Les trois derniers VMF en service ont été désarmés de leurs matériels pour opérations diverses et servir comme fourgons-pompes tonnes légers (FPTl ) et intervenir uniquement en cas d’incendie dans les rues étroites du vieux Bordeaux. Ils ont été affectés aux centres de secours de La Bénauge et d’Ornano, avec un véhicule de réserve au centre de secours de Bruges. Tous les autres VMF ont été vendus en 2011 et 2012.
Fin 2014, les trois fourgons-pompes tonnes légers (FPTl) reçoivent une échelle à coulisse à trois plans de 12,5 mètres munie d’arcs-boutants pour réaliser des sauvetages et établir des lances dans les rues étroites et les cours intérieures du vieux Bordeaux. L’installation de cette échelle nécessita d’enlever les coffres de toit présents à l’origine sur les VMF.
Les interventions diverses dans le groupement Centre des sapeurs-pompiers de la Gironde sont désormais effectuées par des véhicules tous usages (VTU) et les départs pour feux par des FPT armés à quatre ou six sapeurs-pompiers comme dans tous les centres de secours de la Gironde (engin-pompe 4, EP4 ou engin-pompe 6, EP6).
La disparition du VMF met fin à un concept innovant d’engin polyvalent combinant les missions et le matériel d’un véhicule pour interventions diverses et d’un fourgon-pompe tonne léger, conçu par les sapeurs-pompiers de la CUB, qui aura été opérationnel en Gironde pendant près de seize ans.