Les sept autopompes Ahrens-Fox de Rotterdam (1928 – 1972)


Le service incendie de Rotterdam en 1926

Le corps de pompiers volontaires de Rotterdam a été fondé en 1857. D’abord équipé de pompes à bras il est le premier, en 1864, à s’équiper d’une pompe à vapeur hippomobile. Celle-ci est baptisée De Maas, La Meuse en français, du nom du fleuve qui traverse la France, la Belgique et les Pays-Bas pour se jeter dans la Mer du Nord. Il est également le premier, en 1904,  à s’équiper d’une pompe à vapeur autonome. Elle est baptisée Het Noorden, Le Nord en français. Elle est construite par un fabricant local, A. Bikkers & Zoon. Elle offre un débit de 1 800 l/min à 8 bar de pression. D’autres pompes à vapeur, du même constructeur, sont mises en service les années suivantes comme les pompes  Het Oosten (L’Est)  et Het Westen (L’Ouest) en 1912.

Depuis le milieu du XIXème siècle, la ville et le port s’étendent, la circulation des navires est possible entre le centre-ville et la Mer du Nord par une voie navigable construite en 1872.

Le commerce s’intensifie et en 1926 la municipalité, les assureurs locaux, après plusieurs importants sinistres, estiment insuffisants les moyens de lutte contre les incendies. Le G.V.M.D. (Gemeentelijke Vervoer en Motor Dienst ou Service municipal des transports)  est chargé de prospecter le marché en vue de l’achat de nouveaux matériels. Le cahier des charges stipulait que le fournisseur devait proposer non seulement les châssis mais également les moteurs et les équipements incendie, dont les pompes. De plus il était recherché une forte capacité hydraulique.

L’arrivée des Ahrens-Fox et leur mise en service

Les relations commerciales avec les États-Unis étant importantes c’est vers les fournisseurs Seagrave, American Lafrance, Ahrens-Fox… que le Service municipal se tourne. Mais c’est finalement Ahrens-Fox qui est choisi1Ces trois constructeurs étaient par exemple largement représentés dans le parc des matériels des pompiers de New York.. Ce constructeur, basé à Cincinnati dans l’Ohio,  bénéficiait d’une excellente réputation aux États-Unis2En 1917 Ahrens-Fox s’était fait remarquer aux États-Unis avec une lance alimentée par une de leurs autopompes dont le jet atteignit le haut du gratte-ciel Woolworth building qui, avec 57 étages et une hauteur de 241 mètres, était à l’époque, et jusqu’en 1930, le plus haut gratte-ciel du Monde !. Ne considérait-on pas ces engins comme les Rolls-Royce des engins d’incendie3Ahrens-Fox a livré plus de 1 500 engins dans le Monde ! ?

La ville de Surabaya sur l’île de Java, alors intégrée à l’empire colonial Hollandais, était déjà équipée d’une autopompe Ahrens-Fox.

La municipalité de Rotterdam demande donc, en 1926,  au Service municipal des transports d’approvisionner sept autopompes Ahrens-fox. C’est l’agent néerlandais Akkerman & Co de La Haye qui est chargé de la transaction.

Initialement le modèle commandé est le M-X-24Le coupe M-X détermine le couple moteur/pompe, le chiffre 2 indique qu’il s’agit d’un engin-pompe avec une dotation en tuyaux. à entrainement par chaines et un freinage uniquement sur les roues arrières. La commande est ensuite modifiée et porte finalement sur le modèle plus récent N-S-25La lettre N détermine la combinaison moteur/pompe. La Lettre S indique un entrainement par cardans. Le chiffre 2 indique que l’engin est un engin-pompe doté de longueurs de tuyaux. à entrainement par cardans et avec des freins sur les quatre roues. Par ailleurs ce nouveau modèle offre une puissance de moteur et un débit de pompe plus importants.

Châssis et moteurs d’un côté et épuisements incendie de l’autre sont acheminés en caisses depuis les États-Unis vers Rotterdam chargés sur le paquebot de ligne Rinjdam de la compagnie néerlandaise Holland-American Line. Ce dernier assurait la ligne Rotterdam-New York.

L’assemblage est assuré, à l’arrivée, en 1928, par A. Bikkers & Zoon en collaboration avec les ateliers municipaux (G.V.M.D.). Les engins entrent en service entre décembre 1928 et février 1929.

Les caractéristiques

Les autopompes mises en départ sont de type N-S-2. Selon la nomenclature du constructeur N caractérise le moteur, S l’entrainement par cardans (et non pas par chaines) et 2 indique qu’elles peuvent recevoir une dotation en tuyaux. Elles ne portent pas de tonne ni de dévidoir tournant.

Elles sont animées par un moteur à essence à six cylindres en ligne d’une cylindrée de 16.5 litres ! Ce moteur est équipé de deux soupapes d’échappement qui permettent une plus rapide élimination des gaz de combustion et donc un échauffement moindre du moteur. Dispositif intéressant lorsque le moteur tournait longtemps pour alimenter la pompe lors d’une intervention de longue durée. L’autopompe possédait trois vitesses avant et une vitesse arrière. Les freins sont mécaniques et sont actifs sur les quatre roues (les Ahrens-Fox de Rotterdam ont été les premières à ne plus freiner seulement sur les deux roues arrières).

La pompe à incendie est placée à l’avant du moteur, ce qui déplace le poste de conduite au milieu de l’autopompe. Cette pompe est à quatre pistons et est attelée au moteur de propulsion. Cette prise de force peut porter sur deux ou les quatre pistons. la pompe peut donc fonctionner partiellement sur deux pistons ou sur les quatre. Elle peut débiter 3 800 l/min environ à 8.5 bar de pression mais une pression de 17 bar peut être atteinte.  Une partie de l’eau pompée peut être utilisée pour refroidir le moteur. A l’inverse une partie de l’eau de refroidissement du moteur de propulsion peut être détournée pour réchauffer la pompe et ainsi lutter contre le gel en hiver.

La régularité du jet en sortie de lance est obtenue par la combinaison des quatre pistons et par un dôme de régulation qui injecte de l’eau en pression dans le circuit d’eau pour compenser les chutes de pression dues aux mouvements alternatifs des pistons. Ce dôme est devenu la caractéristique des autopompes d’incendie Ahrens-Fox. Ce dôme, d’une taille surprenante, donnait au conducteur une visibilité particulière vers l’avant de l’engin !

Ce n’est qu’en 1952 que Ahrens-Fox abandonne l’utilisation de pompes à pistons.

Le poids du moteur porté à l’avant ajouté à celui de la pompe rendait difficile la manœuvrabilité de l’autopompe, d’autant que le rayon de braquage est de 22 mètres !Leurs conducteurs recevaient une formation spécifique avant de la piloter.

En revanche la pompe située à l’avant facilitaient les opérations d’établissement des lignes de tuyaux car l’autopompe pouvait se positionner au plus près des hydrants.

Les Ahrens-Fox à Rotterdam

Les sept autopompes Ahrens-Fox sont donc mises en service en fin d’année 1928 et début d’année 1929. Elles arrivent en même temps qu’une échelle Metz de 28 mètres sur un châssis Mercedes.

En 1938 quatre des sept cabines de conduite, à l’origine ouvertes, sont fermées. Ce sont les ateliers municipaux (G.V.M.D.). qui s’en chargent. Cette évolution est demandée par les servants et les conducteurs des autopompes qui soufrent d’une exposition à l’air libre durant la saison froide.

Chaque autopompe est identifiée d’abord par un numéro de registre puis par une immatriculation, en 1952, puis un nom de baptême, en 1956, en hommage à une personnalité importante pour la municipalité ou les pompiers de Rotterdam.

Chacune sera également équipé d’un « Rotor rays signal », c’est à dire un dispositif tournant constitué de trois phares de couleur bleue positionné à l’arrière de la cabine de conduite. Ce dispositif identifie l’autopompe comme engin d’incendie. il est remplacé à partir de 1959 par un panneau lumineux rond numéroté et porté par un mât. Mais les deux dispositifs ont coexisté.

La première autopompe A1/H-55561 est détruite au cours du bombardement allemand qui, le 10 mai 1940, détruit complètement l’aéroport civil de Waalhaven près de Rotterdam. Deux pompiers, membres de son équipage sont tués. Le conducteur d’une autre autopompe est également tué. L’autopompe A1/H-5561 n’a pu être remise en service mais a été conservée pour la récupération de pièces détachées pas trop endommagées, pour maintenir en état le parc des six autres Ahrens-Fox, l’approvisionnement étant particulièrement difficile en temps de guerre.

En 1968 les engins sont renumérotés en fonction de leur centre d’affectation: A2 devient RF (réserve) puis F4, A3 devient F1, A4 devient F3, F5 pour A5, F2 pour A6 et F7 pour A7.

Numéro N° de registre Immatriculation (1959) Nom de baptême (1956) Service Cabine Localisation actuelle
A1 H-55561 1928-1940 Fermée Détruite en mai 1940
A2 H-55562 NF-78-25 G. van Sillevoldt Gzn. 1928-1971 Ouverte Musée Hellevoetsluis
A3 H-55563 NF-78-26 J. Rijkee 1928-1971 Fermée Pompiers de Rotterdam
A4 H-55564 NF-78-30 H. van Dam 1928-1972 Fermée Musée Borculo
A5 H-55565 NF-78-31 Dr.Ir. M.F. de Bruyne 1928-1969 Fermée Pompiers de Rotterdam
A6 H-55566 NF-78-32 W. Veder 1928-1972 Ouverte Pompiers de Rotterdam
A7 H-55567 NF-78-29 A.E.P.M. Driebeek 1928-1970 Ouverte Musée Louwman

La première autopompe Ahrens-Fox a être retirée du service a été la A5/H-55565/NF-78-31 en avril 1969 pour des raisons techniques liées au freinage et à la direction. Elle a aussi servi de réserve de pièces détachées pour les cinq autres autopompes.
La dernière en service a été la A5/H-55566/NF-78-32 en septembre 1972.

Mise à par la A1, détruite donc pendant la Seconde guerre, les six autres autopompes ont été préservées et sont conservées aujourd’hui dans différents musées ou par les pompiers et les ateliers municipaux de Rotterdam.


Une collection de photographies

Notes

Notes
1 Ces trois constructeurs étaient par exemple largement représentés dans le parc des matériels des pompiers de New York.
2 En 1917 Ahrens-Fox s’était fait remarquer aux États-Unis avec une lance alimentée par une de leurs autopompes dont le jet atteignit le haut du gratte-ciel Woolworth building qui, avec 57 étages et une hauteur de 241 mètres, était à l’époque, et jusqu’en 1930, le plus haut gratte-ciel du Monde !
3 Ahrens-Fox a livré plus de 1 500 engins dans le Monde !
4 Le coupe M-X détermine le couple moteur/pompe, le chiffre 2 indique qu’il s’agit d’un engin-pompe avec une dotation en tuyaux.
5 La lettre N détermine la combinaison moteur/pompe. La Lettre S indique un entrainement par cardans. Le chiffre 2 indique que l’engin est un engin-pompe doté de longueurs de tuyaux.