Le turbopompe de la Protection civile (1955)


Après la Défense passive, durant la Seconde guerre mondiale, est fondé, en 1951, le Service national de la Protection civile (SNPC). Sa mission est double : la protection des populations civiles contre les dangers de guerre et – en temps de paix – contre les sinistres de grande ampleur. Organisé en colonnes mobiles on le dote de moyens importants. Nous avons vu que dans ce contexte Guinard va livrer au début des années en 1950 un grand nombre de motopompes à haute pression et une lance-canon remorquable. L’équipementier va aussi livrer un extraordinaire engin-pompe sur un châssis Ford 294 WMS.

Lors de bombardements ou de grandes catastrophes (tremblements de terre) les réseaux d’eau sont souvent endommagés et il faut aller chercher l’eau vers des sources inépuisables, rivages maritimes (où les bateaux-pompes sont d’une grande utilité !), lacs ou étangs intérieurs, cours d’eau. Ces derniers se trouvent souvent à des centaines de mètres des sinistres à combattre et pour ne pas perdre en pression les sapeurs-pompiers ont l’habitude de la « relever » le long des établissements de tuyaux par des motopompes en relais. Mais il faut positionner ces motopompes dans des situations où les accès peuvent être difficiles et il faut mobiliser du personnel pour les surveiller… Le Service national de la Protection civile imagine donc un engin suffisamment puissant pour pousser très fort dès le départ du circuit d’alimentation et qui permettrait donc d’éviter l’utilisation de ces motopompes. Là encore on se tourne vers Guinard.

Le cahier des charges décrit donc un engin doté d’une pompe de forte puissance, portant un moteur non moins puissant pour l’animer et sa réserve de carburant.

La pompe choisie est la pompe centrifuge GI 360 de Guinard, disponible depuis peu. C’est une pompe centrifuge, à une roue, toute en bronze, pouvant délivrer 360 m3/h à 15 kg/ cm2 de pression ou 480 m3/h à 10 kg/cm2 de pression.

Elle sera accouplée à une turbine Turbomeca Artouste II C de 320 CV. C’est le groupe de propulsion de l’hélicoptère Alouette II. Il offre un ratio poids/performances très intéressant, surtout pour une intégration dans un agrès mobile.

La Protection civile fournit donc à Guinard un châssis Renault R2240 4×4. Mais ce dernier va s’avérer insuffisant car la Protection civile va souhaiter, après coup, embarquer également le personnel nécessaire à la mise en œuvre de l’engin, soit huit hommes, divers accessoires et une réserve de carburant plus importante qu’initialement prévue.

On opte alors pour un châssis Ford type 294 WMS, également 4×4. C’est un châssis à double cabine.

Olivier GABRIEL

L’engin porte une réserve de 1 200 litres de kérosène pour alimenter la turbine et permettre une autonomie de six heures à pleine puissance. Il embarque également huit aspiraux de 150 mm avec leurs crépines. Il nécessite d’utiliser des tuyaux de 150 mm de diamètre, plus beaucoup utilisés à l’époque, et dont il faut relancer la fabrication chez le fournisseur Eau et Feu.

Il est livré en 1955. Comme en 1923, avec l’autopompe de grande puissance Somua-Drouville des sapeurs-pompiers de Paris, la presse le décrira comme la pompe à incendie la plus puissante du monde !

Mais si l’engin alignait des performances hydrauliques impressionnantes, il s’avérait que ces dernières n’étaient pas pas faciles à mettre en œuvre de manière pratique: accès aux points d’eau par exemple, ravitaillement en carburant de la turbine… ce dernier étant peu économique et d’approvisionnement spécifique car utilisé exclusivement par l’aéronautique.

L’engin était également très bruyant, les opérateurs devant se tenir à plusieurs dizaines de mètres lorsqu’il était en fonctionnement ! D’ailleurs les essais menés chez Guinard à Saint-Cloud lors de la mise au point de la turbopompe n’étaient pas passés inaperçus des habitants du voisinage !

Fort heureusement il n’a jamais été engagé sur une une intervention de l’importance de celles pour lesquelles il avait été conçu et ne connaitra que des mises en œuvre à l’occasion de manœuvres.

Il n’y a pas eu d’autre couplage de ce type sur un agrès mobile mais quelques années après Guinard livre deux exemplaires de configurations proches en installations fixes: l’une au terminal pétrolier de Bougie (Bejaia) en Algérie et une autre pour alimenter le réseau d’incendie de la Société nationale des pétroles d’Aquitaine à Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques. Cette dernière débitait alors 420 m3/h à 15 kg/cm2 de pression !


Sources :

  • Robert DAUBROSSE, GUINARD Véhicules d’incendie, ETAI, 1996, ISBN 2-7268-8267-6,
  • César MAILLARD, Les colonnes mobiles de la Protection civile, Charge Utile Magazine n°55, pages 46-52, juillet 1997.