L’incendie du grand magasin parisien Au Bon Marché, 1915


Au Bon Marché vers 1910 vu de la rue de Sèvres
Au Bon Marché vers 1910 vu de la rue de Sèvres

Les sapeurs-pompiers en action rue du Bac
Les sapeurs-pompiers en action rue du Bac

De nombreuses échelles sont dressées
De nombreuses échelles sont dressées

Les sapeurs-pompiers en action rue du Bac
Les sapeurs-pompiers en action rue du Bac

L'embrasement est général
L'embrasement est général

Les pompiers de Paris en action rue du Bac
Les pompiers de Paris en action rue du Bac

Les Grands Magasins

C’est pendant le Second Empire et la Révolution Industrielle qu’apparaissent les Grands Magasins sur les boulevards des grandes villes. Ce sont des bâtiments de grandes surfaces où on trouve tout ce qui est nécessaire à l’art de vivre bourgeois en grandes quantités, à prix bas et fixes. Cette offre, abondante, large, renouvelée et diversifiée, est possible grâce à la mécanisation et la production en série des ateliers et manufactures (notamment dans l’industrie textile) et à son acheminement par voies ferroviaires. L’entrée de ces magasins est libre et ils attirent une clientèle nombreuse.

Au Bon Marché, une cathédrale du commerce moderne

Le grand magasin Au Bon Marché1Devenu Le Bon Marché en 1989. est fondé en 1852 par Aristide et Marguerite Boucicaut en transformant leur boutique de nouveautés et de mercerie2En fait la boutique appartenait effectivement au couple Boucicaut mais également à Paul et Justin Videau qui vendent leurs parts aux Boucicaut en 1863., ouverte en 1838,  située rue de Sèvres dans le 7ème arrondissement de Paris, sur la Rive gauche de la Seine.

Le magasin va s’agrandir à partir de 1869 au fil des décennies (et du chiffre d’affaires !) pour être constitué de deux bâtiments qui occupent un quadrilatère bordé par les rues du Bac, Velpeau, de Sèvres et de Babylone. Le magasin passe alors d’une surface totale de 300 m2 en 1852 à 50 000 m2 en 1877 ! De quoi mériter le surnom de Cathédrale du commerce moderne.3C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes. Émile Zola. Au Bonheur des Dames, chapitre IX, 1883.

Des verrières sont conçues entre 1872 et 1880 par l’architecte Louis-Charles Boileau, secondé par les ingénieurs Armand Moisant et Gustave Eiffel en 18794Le fer utilisé pour le magasin représente un poids de 8 000 tonnes, soit plus que la structure métallique de la tour Eiffel qui en comptait 7 500.. Faites d’acier et de verre, décorée de vitraux, elles apportent de la lumière et ajoutent à la splendeur du grand magasin.

C’est ce magasin, le premier Grand magasin, qui inspira Émile Zola pour l’écriture de son roman Au Bonheur des Dames publié en 1883.

En 1911-1913, à l’angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, un nouveau bâtiment, dans un style similaire au premier magasin et avec verrières également, est construit sur les plans de Louis-Charles Boileau par les Ateliers Moisant-Laurent-Savey, successeurs d’Armand Moisant et devient un magasin destiné à la ventre d’articles d’ameublement5C’est aujourd’hui La Grande Épicerie de Paris..

En 1915 ce second bâtiment, en cours d’achèvement, est réquisitionné pour devenir une annexe de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce et accueillir des blessés de guerre. 130 lits sont ainsi disponibles aux 5ème et 6ème étages.

L’incendie

Le 22 novembre 1915 en fin de matinée un incendie se déclare au deuxième sous-sol du magasin où se trouve une salle des machines qui permet de contrôler l’éclairage électrique de tout le bâtiment6En 1887, un terrible incendie dû à l’éclairage au gaz, avait ravagé l’Opéra comique et les professionnels de l’électricité avaient obtenu l’interdiction du gaz dans les salles de spectacle et son extension aux autres bâtiments publics, notamment les grands magasins..

Ainsi dix machines à vapeur, situées dans les sous-sols du magasin, actionnent une quarantaine de dynamos et alimentent 3 000 lampes à incandescence et 300 lampes à arc. Cette installation exceptionnelle concurrence celle de l’Opéra de Paris.
L’origine de l’incendie n’est pas connue, peut être un court-circuit du fait de l’importance de l’installation électrique ou un incident dans le fonctionnement des conduites de chauffage ?

L’alerte est donnée et ce sont les sapeurs-pompiers parisiens de la caserne du Vieux-Colombier qui interviennent en premier appel et attaquent immédiatement le feu, il est 11h37. L’incendie est déjà violent et des renforts sont nécessaires. Les blessés de guerre sont rapidement évacués par les infirmiers et les sapeurs-pompiers.

En milieu d’après-midi, vers 15 heures, l’incendie semble éteint. Les renforts commencent à se retirer quand soudainement la verrière de la toiture explose et provoque un nouvel embrasement. L’explosion a été probablement causée par une accumulation de gaz chauds dans les hauteurs de la verrière.
Les soldats du feu se remobilisent à nouveau. Les renforts se présentent des casernes Château-d’eau, Chaligny, Malar, Château-Landon, Plaisance, Blanche, Port-Royal… sous les ordres du colonel Cordier, commandant les sapeurs-pompiers de Paris depuis 1912.

Une dizaine d’échelles, des 19 mètres Gugumus sur châssis Delahaye7Le Régiment des sapeurs-pompiers de Paris disposait également à cette époque d’échelles pivotantes Magirus de 26 mètres sur châssis Delahaye. La première d’entre-elles a été mise en départ à Montmartre en 1911. sont dressées dont sept depuis la rue du Bac, zone d’attaque principale choisie par les pompiers.
Le bâtiment principal, situé à l’est de l’annexe de l’autre côté de la rue du Bac est menacé ainsi que le couvent des Sœurs de Saint-Vincent de Paul, au nord de l’annexe et même l’hôpital Laennec à l’ouest de l’annexe. Les halls de l’annexe s’effondrent.

La circulation des lignes de tramways du secteur est interrompue.

Outre le le préfet de police Émile Marie Laurent arrivé plus tôt, le ministre de l’intérieur Louis-Jean Malvy se rend sur les lieux ainsi que le Sous-secrétaire d’État à la Guerre Justin Godart…
La foule est nombreuse et est tenue à distance par un important service d’ordre.

L’extinction se poursuit toute la nuit et est maitrisé dans la soirée et diminue d’intensité. Le lendemain matin les équipes de protection mettent en place des bâches et des couvertures pour protéger les très nombreux articles exposés.

Le bâtiment détruit est reconstruit en 1924 par Louis-Hippolyte Boileau dans un style Art déco. Il abrite actuellement La Grande Épicerie ouverte en 1923.

Notes

Notes
1 Devenu Le Bon Marché en 1989.
2 En fait la boutique appartenait effectivement au couple Boucicaut mais également à Paul et Justin Videau qui vendent leurs parts aux Boucicaut en 1863.
3 C’était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes. Émile Zola. Au Bonheur des Dames, chapitre IX, 1883.
4 Le fer utilisé pour le magasin représente un poids de 8 000 tonnes, soit plus que la structure métallique de la tour Eiffel qui en comptait 7 500.
5 C’est aujourd’hui La Grande Épicerie de Paris.
6 En 1887, un terrible incendie dû à l’éclairage au gaz, avait ravagé l’Opéra comique et les professionnels de l’électricité avaient obtenu l’interdiction du gaz dans les salles de spectacle et son extension aux autres bâtiments publics, notamment les grands magasins.
7 Le Régiment des sapeurs-pompiers de Paris disposait également à cette époque d’échelles pivotantes Magirus de 26 mètres sur châssis Delahaye. La première d’entre-elles a été mise en départ à Montmartre en 1911.