L’Engin d’Intervention du Futur parisien (1983-1985)
Le secours à victimes à Paris
Depuis la fin du XIXe siècle le transport des victimes vers les centres hospitaliers s’effectuent à l’aide d’ambulances municipales. Mais en mars 1928 c’est à la police que les autorités confient le secours aux victimes de la voie publique. Il s’exerce à bord des fameux cars de Police Secours. Ces derniers, sur différents châssis (dont le Citroën HY, Peugeot J7, Peugeot J9) en livrée pie (noire et blanche) embarquent un brancard repliable, une valise de premiers-secours, une couverture, une bouée…
Les sapeurs-pompiers de Paris sont toutefois sollicités pour apporter les gestes techniques nécessaires aux dégagements des victimes mais également ceux de réanimation. Ils apportent donc et le matériel technique et les équipements de réanimation qui font défaut aux gardiens de la paix. Ils étaient devenus, en effet, des spécialistes du secours aux asphyxiés et de la réanimation en dispensant les premiers soins aux victimes ainsi qu’à leurs propres personnels lors de leurs interventions pour feux.
Paradoxalement c’est un engin-pompe qui conduit les secouristes sapeurs-pompiers et le matériel de réanimation auprès des victimes (tous les fourgons de la Brigade sont équipés de matériel de prompt secours). Puis le car Police Secours ou une ambulance privée prend la relève et transporte les victimes vers les centres hospitaliers.
Mais souvent c’est l’engin-pompe qui évacue les victimes vers les établissements de soins. On raconte que parfois le transfert s’effectuait avec la victime allongée sur la planche Olivier, elle-même posée sur les genoux de quatre sapeurs-pompiers du fourgon-pompe ! L’inconvénient de ce scénario est que, pour chaque intervention de ce type, un engin-pompe est immobilisé et donc reste indisponible pour le service incendie. La Brigade songe alors à restructurer son parc de véhicules du fait de l’augmentation du nombre de ce type de sollicitations et la baisse des interventions du service incendie. En 1978 l’État-Major lance donc une étude pour faire face à cette nouvelle situation d’autant qu’en 1985 le secours à victimes est confié à la Brigade, la police étant recentrée sur ses missions premières de maintien de l’ordre.
L’engin d’intervention du futur (EIF)
L’étude lancée en 1978 est consacrée à la conception d’un engin d’intervention, baptisé Engin d’Intervention du Futur ou EIF, et d’un engin d’appui, baptisé Engin d’Appui du Futur ou EAF.
L’objectif est de concevoir des engins hybrides et économiques à partir de châssis peu modifiés, pouvant à la fois assurer :
- les premiers soins dans le cadre du secours à victimes qui ne nécessite pas un transport médicalisé mais une évacuation rapide vers un centre hospitalier. Si la médicalisation est nécessaire les sapeurs-pompiers font appel à leurs propres ambulances de réanimation (la première a été mise en service en 1967) ou à celles du SAMU1Service d’Aide Médicale Urgente relevant de l’Assistance Publique.,
- un service incendie dans les limites d’intervention d’un premier secours (PS), renforcé si nécessaire par un ou plusieurs engins d’appui avec des capacités hydrauliques plus importantes2Une analyse montre alors que la grande majorité des incendies peut être traitée avec une petite lance..
L’étude est menée en collaboration avec plusieurs fournisseurs/équipementiers comme Sides, Sicli, Sairep, Biro… En 1983 quatre prototypes sont proposés par Biro et Sairep :
- sur châssis Iveco Daily 40-8, proposé par Biro, avec un compartiment incendie, à l’arrière de l’engin, fermé par un rideau coulissant. Les raccords alimentation et de refoulements sont situés en positions latérales (l’alimentation à gauche et les refoulements à droite).
- sur châssis Iveco Daily 40-8, proposé également par Biro, avec un compartiment incendie, à l’arrière de l’engin, fermé par deux portières. Les raccords alimentation et de refoulements sont situés en position centrale à la hauteur du marche-pied,
- et deux sur châssis Renault B70, proposés par Sairep, avec à l’arrière un hayon pour l’un et deux portes classiques pour l’autre.
L’EIF est donc constitué de deux parties, en dehors de la cabine : une cellule sanitaire, réservée à l’accueil de la victime, en partie avant de l’engin et un compartiment incendie situé à l’arrière.
L’équipement incendie
L’EIF est équipé d’une pompe à incendie [1] d’un débit de 500 l/min à une pression de 10 bar. Elle est entrainée par le moteur de propulsion [2] via une prise de mouvement [3] et un axe d’entrainement [4] en parallèle de l’axe de propulsion [5].
Elle est alimentée soit par une tonne [6] avec une réserve d’eau de 600 litres ou par l’extérieur via une conduite d’aspiration [7] avec raccord de 70 mm de diamètre [8]. Cette dernière va permettre à l’engin d’être alimenté en eau par un poteau ou une bouche à incendie.
Cette pompe refoule vers un collecteur de refoulements [9] et trois sorties de 50 mm [10]. Elle alimente également un dévidoir tournant de premier secours [11] qui est pré connecté et disposant de 80 mètres de tuyaux de 22 mm de diamètre, à enroulement manuel. Une lance peut ainsi être rapidement mise en œuvre [12].
L’ensemble est piloté par un panneau de commandes [13].
L’équipement incendie est complété par deux dévidoirs mobiles portant chacun 120 mètres de tuyaux de 70 mm de diamètre [14]. L’engin porte également deux bidons de liquide émulseur et un injecteur proportionneur, divers pièces de jonctions… ainsi que cinq tubes renfermant des aspiraux [15].
Enfin l’engin porte une échelle à coulisse, une échelle à crochets, une gaffe [16]. L’accès à l’équipement incendie se fait sur la face arrière de l’engin.
L’équipement de la cellule sanitaire
L’engin est destiné à engager la lutte contre les incendies mais aussi donc à évacuer une victime, non médicalisée, vers un centre de soins. Pour cela il existe dans la cellule un emplacement pour une victime allongée [17]. L’engin embarque un brancard et du matériel de premier secours rangé dans des coffres ainsi qu’un matelas coquille.
Une porte coulissante [20] sur le flanc droit de l’engin donne accès au personnel au compartiment arrière. Cette porte est élargie de manière à permettre de manœuvrer un brancard portant la victime car c’est également par cette porte que le brancard est chargé dans la cellule sanitaire et que la victime est mise à l’abri en vue de son évacuation.
Deux équipiers prennent place dans la cellule arrière sur une banquette [18], positionnée sur la tonne, à laquelle sont adossés deux appareils respiratoires isolants [19].
L’étude et ses résultats
Les prototypes sont testés en interventions à partir de janvier 1984. Pour cela ils sont mis en départs depuis des centres des 5e et 9e compagnies par périodes de deux semaines en permutation.
De cette étude, globalement baptisée Système du futur sont nés :
- le premier secours évacuation (PSE) comme Engin d’Intervention du Futur, sur la base du prototype Iveco/biro avec porte à rideau pour le compartiment incendie,
- Le fourgon d’évacuation (FE) et le fourgon d’appui (FA) comme Engins d’appui du Futur, ce dernier étant utilisé comme une grande puissance dévidoir (GPD) de par la puissance de sa pompe (2 000 l/min, 15 bar) et sa dotation en tuyaux.
Le premier secours évacuation (PSE) devient plus simplement premier secours (PS). Ce concept de polyvalence incendie/secours à victimes est appelé à un bel avenir puisqu’il a donné naissance à cinq générations successives d’engins PS avec, pour chaque génération, des améliorations liées au châssis, à l’habitacle, à l’équipement incendie ou à celui dédié au secours à victimes. Netpompiers consacrera bientôt un dossier spécifique pour chacune de ces versions.
La première version opérationnelle du premier secours évacuation, la première génération, est aménagée par Sides, qui emporte l’appel d’offres visant à équiper la Brigade, sur un châssis Iveco Daily 49-10. Avec quelques modifications par rapport à l’EIF :
- la pompe offre un débit de 1 000 l/min au lieu des 500 l/min de la pompe de l’EIF,
- la porte coulissante s’est montrée limitante à l’usage pour embarquer un brancard avec une victime allongée. Une trappe rabattable a été rajoutée à la cloison arrière, dans le compartiment incendie derrière le dévidoir mobile gauche. Après avoir déposé ce dévidoir pour ouvrir la trappe on peut alors glisser le brancard vers son emplacement dans la cellule sanitaire,
- le jeu d’échelles, à coulisse et à crochets, est passée du flanc droit vers le toit. Il est porté par un support et l’ensemble est abaissable vers l’avant de l’engin pour faciliter la dépose des échelles et leur préhension.
Cette première génération de PSE a compté trente exemplaires (PS1 à PS30). La tête de série est mise en départ en mai 1985. Bien que Sides ait emporté l’appel d’offres, la plaque constructeur apposée sur les premiers engins est celle de Maheu-Labrosse, Sides étant devenu actionnaire principal de la société lyonnaise3Maheu-Labrosse fournit son dernier engin en 1989 aux sapeurs-pompiers de Lyon. La fabrication est transférée à Saint-Nazaire..
Le PS est armé par cinq personnels : un sous-officier chef d’agrès, un homme de liaison, deux équipiers formant binôme et un conducteur.
En 1995 le fourgon d’appui perd sa polyvalence et il est recentré exclusivement sur le service incendie. Accompagné d’un PS il peut former un départ normal, qui est un départ pré constitué et une réponse immédiate pour feu, formé de deux engins-pompes et d’une échelle pivotante.
Notes
↑1 | Service d’Aide Médicale Urgente relevant de l’Assistance Publique. |
---|---|
↑2 | Une analyse montre alors que la grande majorité des incendies peut être traitée avec une petite lance. |
↑3 | Maheu-Labrosse fournit son dernier engin en 1989 aux sapeurs-pompiers de Lyon. La fabrication est transférée à Saint-Nazaire. |