De la couleur des véhicules d’incendie français


Pompe à bras
Pompe à bras

Le rouge incendie

Pompiers mais pas rouges!
Pompiers mais pas rouges!

La livrée des engins d’incendie en France, et dans beaucoup d’autres pays dans le monde, est rouge. Certains services d’incendie en Europe, en Asie et surtout aux États-Unis , pour certains états, qui ont été très créatifs, ont opté pour d’autres couleurs : jaune, verte, orange… et même noire !

En France le rouge n’a pas été de mise dès l’origine des agrès de lutte contre les incendies. Lorsque les gardes-pompes ont commencé à s’équiper de pompes à bras (voir notre article), ils étaient fournis par des artisans locaux, forgerons, plombiers, chaudronniers, mécaniciens…, qui fabriquaient des pompes souvent à l’unité ou en toutes petites séries, qui se résumaient souvent à de véritables pompes de quartiers… Plus tard des manufactures se lancent aussi dans cette production: Nicolas Thillaye & Fils, par exemple, fabricant de pompes à incendie de père en fils à Rouen, Durey-Sohy (Paris), Alexandre Bouchard (Lyon), A. Loizeau (Bourg), les Établissements Darasse Fils (Paris), Mieusset (Lyon).
Les couleurs des pompes livrées étaient très variables en fonction des choix des fabricants, de leurs fournitures… ou en fonction parfois aussi peut être des ornements qui embellissaient leurs réalisations. D’ailleurs souvent les châssis et armatures de ces pompes, en bois, étaient simplement passés au brou de noix1Le brou de noix est un colorant naturel extrait de la partie charnue du fruit du noyer commun. Il est utilisé pour la teinture du bois brut.et vernis. Méfions nous de ces magnifiques pompes à bras que l’on peut admirer dans certains musées ou collections et qui ont été restaurées dans un rouge rutilant qui n’a sans doute rien à voir avec la couleur d’origine !

Pompe à vapeur Merryweather
Pompe à vapeur Merryweather

Au milieu du XIXème siècle les pompes à vapeur commencent à équiper les sapeurs-pompiers. La firme londonienne Merryweather devient synonyme de lutte contre les incendies en Grande-Bretagne et à l’étranger. Elle livre la première pompe à incendie à vapeur à Londres en 1860. D’autres pays suivent dont les États-Unis, la France avec des mises en service à Bordeaux, Mulhouse… Paris en importe plusieurs en 1870 pour renforcer Paris qui est de plus en plus menacée par l’avancée des troupes prussiennes.

Les pompes à vapeur Merryweather étaient livrées peintes en rouge, peut être parce que cette couleur se mariait bien avec celle de leurs cuivres rutilants. Les sapeurs-pompiers parisiens utilisateurs donc de ces pompes, sont séduits par cette couleur d’autant qu’elle fait déjà partie, avec le noir, de la symbolique des couleurs de l’arme du génie auxquels ils appartiennent. Ils abandonnent donc la couleur verte qui était utilisée par l’armée. Ainsi les pompes à bras parisiennes sont encore vertes sous le Second Empire et rouges à la fin du siècle. On peut lire souvent que la symbolique de la couleur rouge aurait été aussi un critère choix, le rouge étant souvent associé au danger, au sang, à l’urgence… Cela a peut être effectivement contribué à ce choix.

Les pompiers de Province, comme ils le font avec leurs uniformes, suivent le pas et adoptent à leur tour cette couleur. En 1885 elle est officiellement adoptée en France pour les agrès de lutte contre les incendies. En 1886 les engins du Régiment de  Paris étaient repeints en rouge.

Fourgon-pompe tonne de l'Armée de l'air
Fourgon-pompe tonne de l'Armée de l'air

Camion-citerne forestier des forestiers-sapeurs
Camion-citerne forestier des forestiers-sapeurs

Véhicule d'un Comité communal feux de forêts
Véhicule d'un Comité communal feux de forêts

Véhicule d'intervention en usine
Véhicule d'intervention en usine

Pourtant on a vu et on voit encore des engins de services incendie, du service public ou privés, arborant une livrée où le rouge est absent ou peu présent. Soit par un choix volontaire soit expliqué par des circonstances précises. Essayons de parcourir un peu, sans être exhaustifs bien entendu, quelques uns de ces intrus!

L’armée française et la défense des forêts contre les incendies

Citons d’abord l’armée française qui, pour des raisons liées aux contraintes de ses engagements, doit conserver en toutes circonstances une livrée de camouflage verte : engins de l’armée de terre, celle de l’air… également la Marine nationale, qui est restée toutefois assez fidèle au rouge, pour certains de leurs engins. Ce n’est pas une généralité et beaucoup d’engins militaires destinés au service incendie portent la livrée rouge incendie.

Les corps de forestiers-sapeurs 2A ne pas confondre avec les sapeurs-forestiers qui appartenaient à une unité militaire rattachée à l’arme du génie. Dissoute en 1945. doivent leur existence aux nombreux feux de forêts qui ont touché le sud de la France dans les années 1970. Les pouvoirs publics et collectivités concernées ont créés ces corps en 1976 afin d’entretenir les massifs en hiver et prévenir, surveiller et détecter les feux de forêts en saison estivale.
Ils sont aussi très souvent les premiers à intervenir avant l’arrivée des pompiers à qui ils prêtent mains fortes dans la difficile lutte contre les incendies de forêts  (Corse, Hérault, Ardèche, Drôme, Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse…).
Il était nécessaire de distinguer leurs engins d’incendie de ceux des sapeurs-pompiers3Le Ministère de l’intérieur rappelait en octobre 2023, en réponse à une question d’un député à l’Assemblée nationale, que les « sapeurs-pompiers professionnels sont les seuls fonctionnaires territoriaux chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies ». et c’est le jaune qui a été choisi.

Les comités communaux feux de forêts (CCFF) jouent un peu le même rôle à l’échelle communale et on les trouve d’ailleurs au sein des mêmes départements.
Ils sont constitués de bénévoles qui apportent surtout leur concours aux services de secours et à ceux chargés de la forêt notamment en matière d’alerte, d’information, de guidage, de gestion et de soutien logistique…
Ils disposent d’engins de patrouilles et/ou de première intervention, surtout des camions-citernes forestiers légers (CCFl) pour agir sur des feux naissants avant l’arrivée des sapeurs-pompiers.

Formés dans les années 1980, il fallait là aussi, par souci peut être de clarté, choisir une livrée pour les engins à la fois différente de celles de sapeurs-pompiers et celles des forestiers-sapeurs. Et c’est l’orange qui a été sélectionné !

Véhicules de services incendies privés
Véhicules de services incendies privés

Les pompiers privés

On peut citer en premier lieu les pompiers d’usines.
Les établissements industriels, lorsqu’il sont confrontés à des sinistres, font, bien entendu, appel aux sapeurs-pompiers des services d’incendie et de secours (SDIS) qui assurent la sécurité de leurs implantations géographiques.
Mais certains s’équipent d’engins de première intervention pour l’attaque des feux naissants dans l’attente des secours. Et là aussi bien souvent on retrouve des couleurs de livrées de ces engins autres que le rouge : orange, blanc…

Cette pratique se retrouve dans d’autres implantations importantes qui sont confrontés à des risques spécifiques ou renforcés, parce que les accès internes sont plus difficiles ou encore parce que l’immédiateté des premiers secours secours revêt une importance accrue…
C’est le cas de grands centres destinés à des salons et expositions comme celui de Paris Expo, des parcs de loisirs comme Disneyland Paris, des sociétés d’exploitation de sites comme Defacto à Paris-la-Défense, des campings en aires naturelles… la liste peut être longue mais ne clôturons pas cette courte liste d’exemples sans citer le superbe fourgon d’intervention livré à l’Automobile Club de l’Ouest et mis en départ sur le Circuit des 24 heures du Mans pour en renforcer sa sécurité ! Il est bien entendu aux couleurs du Circuit, c’est à dire jaune et bleu !

On peut citer également les engins très spécialisés de secours en tunnel.

Les engins voués à la sécurité de ces sites, du moins en première intervention, présentent souvent une livrée où le rouge ne prédomine pas voire même totalement absent !

Les sapeurs-pompiers du service public

L’immense majorité des véhicules d’incendie des sapeurs-pompiers des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de France ont une livrée rouge mais il y a eu des évolutions et quelques exceptions.

Véhicule radio-médicalisé
Véhicule radio-médicalisé

Les véhicules de secours à victimes

Traditionnellement les véhicules d’incendie destiné au secours à personnes ont intégré la couleur blanche dans leur livrée. En première ligne les véhicules de secours aux asphyxiés et blessés (VSAB) devenus véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV). Peut être pour rappeler que ce sont nativement des ambulances et intégrer le blanc que l’on prête volontiers aux centres de soins comme les hôpitaux ? En tous cas certainement pour améliorer leur visibilité car ils interviennent souvent en voies publiques dans les flux de circulations.
C’est le pavillon du toit de ces engins qui est très souvent blanc. Très souvent cette couleur blanche se prolonge sur le haut de la cabine avant avec un marquage AMBULANCE ou URGENCE pour indiquer aux automobilistes que l’engin est une secours à personnes, renforçant ainsi la nécessité de l’urgence, en les incitant à faciliter leur passage.

On retrouve cette présence du blanc avec les véhicules radio-médicalisés, qui acheminent des médecins sur interventions. Avec le toit, les ailes…. Également avec les véhicules postes médicaux avancés.

On retrouve parfois ce toit blanc avec des engins destinés à la lutte contre les incendies, peut être par pur esthétisme, mais aussi de manière à mettre en visibilité le marquage de toit qui indique les affectations des engins et qui peut être visible depuis les moyens aériens. C’est surtout vrai pour les engins terrestres du sud de la France où opèrent les bombardiers d’eau, avions et hélicoptères, ainsi que les postes de commandements volants en hélicoptères.

Signalisation en damier (<em>Battenberg</em>)
Signalisation en damier (Battenberg)

Signalisation arrière en chevrons d'un véhicule d'incendie
Signalisation arrière en chevrons d'un véhicule d'incendie

La signalisation des engins apporte de la couleur !

Depuis le drame de Loriol4Le 29 novembre 2002, une automobile fauchait huit pompiers qui intervenaient sur un accident sur l’autoroute A7 dans la Drôme. Cinq d’entre eux sont morts, trois ont été blessés., en novembre 2003, la sécurisation des interventions a été très largement renforcée. Cela est passé avant tout par la pose de dispositifs retro-réfléchissants qui couvrent de plus grandes surfaces et sur les quatre faces des engins, souvent en bandes de matérialisation des silhouettes des engins et/ou avec des chevrons conséquents, surtout en faces arrières d’où vient le danger en intervention sur la voie publique. A tel point que l’on a aujourd’hui parfois du mal à distinguer la peinture d’origine !
D’autres dispositifs sont variablement utilisés. Citons par exemple des jantes de roues peintes en deux couleurs alternées, blanc et rouge pour des véhicules de secours routier, des damiers5Ce type de signalisation a été baptisée Battenberg du nom d’une pâtisserie anglaise avec plusieurs couches alternées en damier. qui alternent les couleurs jaune et rouge…, autant de dispositifs qui apportent du jaune et du blanc sur du rouge qui reste toutefois et la plupart du temps dominant.

Une autre évolution, toujours dans le souci de renforcer la visibilité des engins à l’instar des véhicules de secours à victimes vus plus haut, est la présence de pare-chocs non plus chromés mais de couleur blanche et de plus en plus souvent jaune. Parfois même cette autre couleur se prolonge vers les parois latérales de l’engin et s’invite même quelquefois dans les armatures de la cabine et jusqu’au toit ! Là aussi la couleur rouge reste toujours prédominante.

Les sapeurs-pompiers peuvent profiter des équipements ou agrès de leurs véhicules pour introduire de manière importante une couleur claire, blanche, jaune ou mieux encore jaune fluorescente. Le cas le plus significatif est sans doute l’élément élévateur d’un camion bras articulé.
Autre cas, celui des rideaux des coffres. Initialement de la couleur de l’aluminium qui les constitue, ils sont devenus au fil des années jaunes vifs. A tel point parfois, quand les coffres sont de grands volumes, que le jaune finit par prédominer !

On retrouve encore le jaune avec les bâches de certains véhicules ou remorques ou encore des cellules déposables… avec des bâches jaunes !

Véhicules de liaison autorités
Véhicules de liaison autorités

Les véhicules de liaison autorités

Ce sont de fait les véhicules des officiers supérieurs de sapeurs-pompiers et en particulier ceux des chefs de corps. Ils permettent à ces derniers de réaliser les déplacements que leurs fonctions demandent, par exemple au cours de cérémonies officielles ou protocolaires, de réunions avec les autorités départementales ou nationales… Mais qui peuvent aussi acheminer ces officiers au cours d’interventions importantes qui exigent leur présence. De ce fait ces voitures, banalisées et souvent de couleurs sombres, grises ou noires, sont munies de gyrophares amovibles et de feux de pénétrations situés dans les calandres.
L’amiral commandant le Bataillon de marins-pompiers de Marseille utilise pour sa part, même s’il dispose également d’une berline urbaine, d’un véhicule tous terrains, toutes roues motrices, car il peut être amené à intervenir lors de luttes contre les feux de forêts en terrains difficiles. Ce véhicule porte une livrée blanche avec toutefois une bordure rouge.

Véhicule de service
Véhicule de service

les véhicules de servitude et de soutien

Un service départemental d’incendie et de secours, le Bataillon de marins-pompiers de Marseille, ou encore la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, que nous voyons intervenir dans l’urgence n’en sont pas moins de véritables entreprises avec leurs lots de tâches qui ne sont pas directement des opérations de secours : liaisons diverses, navettes administratives, ravitaillements, transports de personnels… Les véhicules assignés à ces tâches portent souvent une livrée différente de celles des véhicules d’intervention.

Fourgon jaune fluorescent
Fourgon jaune fluorescent

Les exceptions

Un certain nombre, non négligeable, de véhicules d’incendie de services départementaux ont porté des livrées excluant le rouge incendie. Parfois volontairement, à titre de tests, ou à la suite d’opportunités.
Par exemple il y a eu des cas d’engins destinés à l’exportation mais qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas été livrés. Des pompiers français les ont alors récupéré, probablement avec des conditions commerciales revues. Citons le véhicule poudre de grande puissance Biro sur châssis Mercedes des marins-pompiers de Marseille. Celui-ci était destiné à des pompiers du Maghreb mais la livraison ne s’est pas effectuée et l’engin a pu être récupéré par le Bataillon de Marseille6Source : Daniel Baldjian.. C’est par sa destination prévue que l’engin portait une livrée orange fluorescente. On peut encore se souvenir du fourgon-pompe tonne de Versailles, dans les Yvelines, de couleur jaune7Ce fourgon-pompe tonne a fini toutefois par être repeint en couleur rouge incendie ! mis en départ en 1981.

Véhicule de commandement jaune fluorescent
Véhicule de commandement jaune fluorescent

Les postes de commandement

Les véhicule postes de commandement mobiles (PCM) sont, comme leur nom l’indique, des centres opérationnels mobiles déployés sur le terrain près des interventions. Ils sont engagés sur des interventions importantes qui nécessitent la coordination de moyens humains et matériels importants. Il est important que ces engins soient rapidement repérables par les intervenants, sapeurs-pompiers ou non. Pour cela ils portent souvent un gyrophare de couleur différente du bleu habituel et normalisé : vert ou rouge par exemples. Mais certains services départementaux d’incendie sont allés plus loin dans ce critère de distinction. Les sapeurs-pompiers de Mende, par exemple, en Lozère,  leur ont donné également une livrée jaune. Les sapeurs pompiers d’Eure-et-Loir en ont mis, de leur côté, plusieurs en départ ! D’abord avec une livrée entièrement jaune sur Citroën C25 puis avec une belle bande latérale rouge sur châssis Iveco. Ces derniers auraient été surnommés les mottes de beurre  !

Véhicule de secours routier orange fluorescent
Véhicule de secours routier orange fluorescent

Véhicule de secours à victimes orange fluorescent
Véhicule de secours à victimes orange fluorescent

Les études portant sur la visibilité des véhicules d’incendie

C’est probablement le fournisseur américain de véhicules d’incendie American Lafrance (en abrégé ALF !) qui fut le premier, dans les années 1960, à remettre en question la pertinence d’utiliser le rouge pour les engins de lutte contre les incendies. Il préconisait en revanche un jaune-vert, baptisé lime green yellow qui répondrait bien mieux au besoin de visibilité des engins.

Il se basait sur une étude scientifique américaine de 1970 du chercheur Merrill J. Allen de l’Université d’Indiana8 Visibility of red, green, amber and white signal lights in a highway scene. M J Allen, J Strickland, A J Adams.. Ainsi de nombreux engins américains ont porté cette livrée les premiers ayant été ceux de Dallas.

Dans les années 1980 et 1990 plusieurs études, toujours américaines, confirmaient cette position9

– Solomon, S. S. (1990). Lime-yellow color as related to reduction of serious fire apparatus accidents: The case for visibility in emergency vehicle accident avoidance. Journal of the American Optometric Association, 61, 827–831.

– Solomon, S. S., & King, J. G. (1995). Influence of color on fire vehicle accidents. Journal of Safety Research, 26, 41–48.

Les deux chercheurs américains, Stephen S. Solomon, et James G. King (tous deux pompiers volontaires), concluaient que les risques de sur-accidents étaient multipliés par trois lorsque le rouge était utilisé !

Cette question relative à la visibilité des véhicules d’incendie a conduit, dans les années 1970, à des tests en France et a donné lieu à des essais plus ou moins importants selon les départements.

L’étude la plus engagée a sans doute été celle menée, à partir du milieu des années 1970, par le Service départemental d’incendie et de secours de Seine-et-Marne (Sdis 77).
Ce dernier a opté pour une livrée orange fluorescente10La peinture fluorescente renferme des composants qui, en absorbant un peu de lumière, sont capables d’en émettre aussi un peu, ce qui lui donne un aspect encore plus lumineux. En fait elle reflète à la fois une partie de la lumière qui l’atteint mais  émet aussi un peu de lumière lorsqu’elle est frappée par une lumière incidente, même résiduelle, comme la lumière du jour ou de toute autre source. Au final donc elle améliore la visibilité des surfaces qu’elle recouvre. pour certains de ses engins, deux véhicules de secours aux asphyxiés et blessés, un camion-grue et une échelle pivotante automatique. Cette dernière avait fait l’objet d’une étude supplémentaire avec son parc d’échelles de couleur jaune(qui n’a pas été poursuivie).
Dès lors les engins de secours à victimes et ses véhicules de secours routier de ce département ont porté cette couleur à haute visibilité.
Une livrée qui a cependant été abandonnée. En effet si la teinte fluorescente présente des avantages indéniables,11Les secouristes en montagne ou les chasseurs vous le diront : la couleur orange est vraiment la plus visible ! elle est plus difficile à appliquer,12Plusieurs couches sont nécessaires pour atteindre un haut niveau de photoluminescence, il faut appliquer une pré-couche blanche… se ternit plus facilement à la lumière et rend mal aisés les raccords de peinture en carrosserie.

D’autres services départementaux, également soucieux de la visibilité des engins sur la voie publique et en particulier la nuit et par temps de brumes ou de brouillard, se sont prêtés à des tests en utilisant soit la teinte jaune, soit la teinte orange, toujours en fluorescence. Citons des exemples sans vouloir être exhaustifs :

Orange fluorescent

Les budgets !

La loi, dite loi de départementalisation, qui a transféré la gestion des centres de secours communaux aux départements s’est traduite généralement par l’accroissement des moyens humains et matériels des services d’incendie et de secours. Mais il fut un temps, pas si éloigné, pendant lequel les sapeurs-pompiers s’équipaient sur la base de budgets communaux, donc très variables ! Et on a vu, pas si rarement que ça, des sapeurs-pompiers s’équiper avec des engins aménagés à partir de châssis acquis d’occasion ou résultants de dons… de la part de particuliers, d’autres administrations, de

notables ou de châtelains de la commune car à une certaine époque posséder une automobile était un luxe.

Citons par exemple une camionnette Renault G9 appartenant à la famille Rothschild et utilisée pour des besoins de servitude d’un de ses domaines et cédé à la commune de Montmagny dans le Val-d’Oise, en 1939. Ses sapeurs-pompiers l’ont utilisée jusqu’en 195013Cette camionnette est fort heureusement conservée aujourd’hui par le Musée départemental des sapeurs-pompiers du Val-d’Oise à Osny..

Dans la médiathèque netpompiers nous avons publié une photographie d’une Peugeot 203 mis en départ depuis un centre de secours d’Ardèche et qui était aussi le véhicule mortuaire de la commune ! Mis en départ en tant que camionnette de traction avec donc une motopompe remorquable Maheu-Labrosse, elle n’était pas de couleur rouge incendie mais grise anthracite ! Les exemples ont été nombreux…

Autre exemple, dans les années 1970 les sapeurs-pompiers de l’Hérault, confrontés à de nombreux incendies, en manque de matériels et à l’initiative d’un officier chef de corps ancien mécanicien des armées14Il s’agit du Capitaine Lacroix, des sapeurs-pompiers de Saint-Martin-de-Londres, soutenu par le directeur départemental de l’époque, le lieutenant-colonel Goodgrige., proposent de récupérer des engins de l’Armée et de la Gendarmerie retirés du service actif et remis aux Domaines. La priorité étaient alors aux révisions et remises en états mécaniques et pas forcement à la peinture ! Ces engins, essentiellement gréés en camions-citernes pour feux de forêts, surtout à partir de châssis Dodge, ont donc très souvent gardé la livrée vert kaki de leurs affectations militaires… mais il leur a été ajouté une petite touche de couleur orange sur le toit et le capot !

Le rouge et le noir

Évolution des livrées des véhicules d'intervention de la Sécurité civile
Évolution des livrées des véhicules d'intervention de la Sécurité civile

Certains véhicules d’incendie ont présenté un toit noir sur une livrée rouge. La raison en est simple et trouve son origine dans la transformation des premières automobiles de type torpédo15Torpédo est un terme employé pour désigner une automobile ouverte dont la capote est mobile et repliable. On l’identifie assez facilement à sa carrosserie fusiforme et c’est d’ailleurs de là qu’elle tient son appellation. en conduites intérieures. Le toit en similicuir noir des modèles de type torpedo était soutenu et tendu par des armatures en bois et en acier. La couleur noire de la partie supérieure du châssis a été conservé.
Les véhicules d’incendie ont suivi le pas.
Il est peu probable que ces toits noirs aient été une forme de camouflage en défense passive pour se protéger des raids aériens.

Les véhicules d’information et de promotion du volontariat

Certains services d’incendie départementaux ont mis en service des véhicules destinés à informer le public sur le métier et les missions du sapeur-pompiers, promouvant à la même occasion les candidatures au volontariat. La livrée de ces engins conservent en général la couleur rouge pour base mais arborent d’importantes décorations qui peuvent la masquer en grande partie.

Les véhicules d’incendie et de secours des formations militaires de la Sécurité civile

Couleurs actuelles pour la Sécurité civile
Couleurs actuelles pour la Sécurité civile

Les unités de la Sécurité civile sont des unités militaires appartenant à l’Armée de terre. A ce titre leurs engins ont longtemps portée une livrée militaire donc de couleur vert kaki.

Dans les années 1980 des tests ont été réalisés pour renforcer leur appartenance à la sphère des secours et de la sécurité civile et surtout pour renforcer une visibilité occultée, il est vrai, par la livrée militaire qui, par définition, est choisie pour se fondre dans l’environnement par le camouflage !

L’orange, le bleu ont été testés car ce sont des couleurs que l’on retrouve avec le symbolisme international de la sécurité civile : un triangle bleu inscrit dans un cercle orange. Le blanc a aussi été testé ainsi que le vert. Finalement c’est le rouge incendie qui a été validé à la fin des années 1980 et les engins de ces unités ont porté, comme ceux sapeurs-pompiers, une livrée rouge avec bien entendu des marquages spécifiques. Les engins en service ont été repeints et les nouvelles acquisitions portent donc cette couleur rouge dominante. On retrouve les bandes latérales noires puisque noir et rouge sont les couleurs traditionnelles du Génie militaire, arme à laquelle appartiennent les formations militaires de la Sécurité civile. Par ailleurs ces bandes noires qui ceinturent les engins permet de les distinguer de ceux des services départementaux.
Comme pour les engins sapeurs-pompiers, des dispositifs rétro réfléchissants ont également été apposés avec des bandes de matérialisations des silhouettes des engins. Le toit des véhicules est peint en blanc pour faire ressortir le marquage adhésif noir de la section d’affectation de manière à être visible depuis les moyens aériens.

En 2012/2013, une nouvelle charte graphique est adoptée. Elle reprend les couleurs des moyens aériens des hélicoptères et avions-bombardiers d’eau. Si la couleur rouge est conservée, les surfaces de couleur jaune prennent une part plus importante.

Jaune et Orange Fluorescents
Jaune et Orange Fluorescents

Conclusion

On le voit le rouge a toujours été prépondérant chez nos sapeurs-pompiers depuis qu’il a été adopté à la fin du XIXème siècle. Des tentatives d’amélioration de la visibilité de leurs véhicules d’intervention ont été nombreuses en testant des coloris divers avec une prédominance du jaune et de l’orange. Ces tests ne semblent pas avoir été concluants et le rouge a persisté. Le jaune n’a toutefois pas été abandonné ! On le retrouve au fil des années et des décennies de plus en plus souvent de pair avec la couleur de tradition, sous la forme de dispositifs rétro-réfléchissants qui couvrent de plus en plus de surfaces, avec des éléments de carrosserie (pare-chocs…) ou des bandes latérales avec ou sans marquages.

Une façon de travailler la visibilité des engins sans abandonner les traditions ?

Notes

Notes
1 Le brou de noix est un colorant naturel extrait de la partie charnue du fruit du noyer commun. Il est utilisé pour la teinture du bois brut.
2 A ne pas confondre avec les sapeurs-forestiers qui appartenaient à une unité militaire rattachée à l’arme du génie. Dissoute en 1945.
3 Le Ministère de l’intérieur rappelait en octobre 2023, en réponse à une question d’un député à l’Assemblée nationale, que les « sapeurs-pompiers professionnels sont les seuls fonctionnaires territoriaux chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies ».
4 Le 29 novembre 2002, une automobile fauchait huit pompiers qui intervenaient sur un accident sur l’autoroute A7 dans la Drôme. Cinq d’entre eux sont morts, trois ont été blessés.
5 Ce type de signalisation a été baptisée Battenberg du nom d’une pâtisserie anglaise avec plusieurs couches alternées en damier.
6 Source : Daniel Baldjian.
7 Ce fourgon-pompe tonne a fini toutefois par être repeint en couleur rouge incendie !
8 Visibility of red, green, amber and white signal lights in a highway scene. M J Allen, J Strickland, A J Adams.
9

– Solomon, S. S. (1990). Lime-yellow color as related to reduction of serious fire apparatus accidents: The case for visibility in emergency vehicle accident avoidance. Journal of the American Optometric Association, 61, 827–831.

– Solomon, S. S., & King, J. G. (1995). Influence of color on fire vehicle accidents. Journal of Safety Research, 26, 41–48.

Les deux chercheurs américains, Stephen S. Solomon, et James G. King (tous deux pompiers volontaires), concluaient que les risques de sur-accidents étaient multipliés par trois lorsque le rouge était utilisé !

10 La peinture fluorescente renferme des composants qui, en absorbant un peu de lumière, sont capables d’en émettre aussi un peu, ce qui lui donne un aspect encore plus lumineux. En fait elle reflète à la fois une partie de la lumière qui l’atteint mais  émet aussi un peu de lumière lorsqu’elle est frappée par une lumière incidente, même résiduelle, comme la lumière du jour ou de toute autre source. Au final donc elle améliore la visibilité des surfaces qu’elle recouvre.
11 Les secouristes en montagne ou les chasseurs vous le diront : la couleur orange est vraiment la plus visible !
12 Plusieurs couches sont nécessaires pour atteindre un haut niveau de photoluminescence, il faut appliquer une pré-couche blanche…
13 Cette camionnette est fort heureusement conservée aujourd’hui par le Musée départemental des sapeurs-pompiers du Val-d’Oise à Osny.
14 Il s’agit du Capitaine Lacroix, des sapeurs-pompiers de Saint-Martin-de-Londres, soutenu par le directeur départemental de l’époque, le lieutenant-colonel Goodgrige.
15 Torpédo est un terme employé pour désigner une automobile ouverte dont la capote est mobile et repliable. On l’identifie assez facilement à sa carrosserie fusiforme et c’est d’ailleurs de là qu’elle tient son appellation.