Le bombardier d’eau Canadair CL-415 / Bombardier 415 de la Sécurité civile (1995)
Le retrait du CL-215
Au début des années 1990, les bombardiers d’eau CL-215 de la Sécurité civile – quinze ont successivement été mis en service depuis 1969 – avaient totalisé plus de 300 000 heures de vol et 850 000 largages ! L’appareil a été le fer de lance de la lutte contre les feux de forêts à tel point que le terme Canadair est devenu naturellement synonyme de bombardier d’eau !
Compte tenu du vieillissement de la flotte des douze appareils encore en service, il est décidé de procéder à son renouvellement. Le retrait du CL-215 commence en septembre 1995 avec Pélican 281Pélican 28 sera ferraillé en 2004. et se termine avec Pélican 232Pélican 23 est conservé depuis 2009 par le Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget. Il avait totalisé près de 8 250 heures de vol avant sa retraite ! en octobre 1996.
L’offre de bombardiers d’eau par les constructeurs n’est pas importante compte tenu de la faiblesse de la demande. Les appareils testés ne sont pas convaincants car peu adaptés ou trop onéreux en achat et en maintenance. La France se tourne donc une nouvelle fois vers la firme canadienne Canadair.
L’évolution CL-215T
En 1987 déjà, Canadair re-motorise ses CL-215 avec deux turbopropulseurs, en lieu et place des moteurs à étoiles et pistons, à la fois plus puissants (15% de puissance en plus) et plus économes.
D’autres améliorations sont intégrées au niveau de l’aérodynamique : ailerettes (aussi appelés Winglets), bulbes, ailerons supplémentaires… destinés à améliorer la stabilité, le contrôle de la trajectoire, surtout à basse altitude, réduire le tangage… et accessoirement réduire la consommation de carburant.
Également améliorées : les commandes de vol, l’avionique et les systèmes électriques…
L’appareil, ainsi modifié, prend le nom de CL-215T.
Cette nouvelle version ne convainc la Sécurité civile. D’autres forces européennes pourtant l’adopteront comme l’Armée de l’air espagnole pour ne citer qu’elle.
Le nouveau CL-415 – Bombardier 415
Bombardier Aéronautique, firme canadienne, achète, en 1986, Canadair, le principal avionneur canadien de biréacteurs d’affaires gros-porteurs et de l’avion amphibie de lutte contre les incendies CL-215. Ainsi l’appareil CL-415 (CL pour Canadair Limited, raison sociale de l’avionneur) attendu sera… le Bombardier 415. Mais étonnement un marquage Canadair CL-415 est encore apposé sur les appareils…
Un nouveau programme est lancé en 1991 pour un nouvel appareil. Ce dernier reprend les caractéristiques principales du CL-215, lui-même héritier du CL-204, donc toujours un appareil amphibie à ailes droites et hautes, avec une cellule reposant sur une coque centrale à simple redan3Sur les hydravions à coque, le redan est la ligne de cassure à la partie arrière inférieure du fuselage qui permet à l’appareil de sortir plus facilement de l’eau lors du décollage. et deux flotteurs de stabilisation sous les saumons de voilure4En aéronautique, le saumon d’aile est la partie constituant l’extrémité d’une aile, qu’elle soit fixe (dans le cas d’un avion) ou tournante (comme le rotor principal d’un hélicoptère.). Le train d’atterrissage escamotable est toujours tricycle. Bien évidement l’appareil se charge par écopage en 12 secondes/450 mètres à une vitesse entre 140 et 160 km/h. L’appareil est muni pour cela de deux écopes sous le fuselage. Ouvertes, celles-ci font 10 cm de large sur 12 cm de long.
Il intègre les évolutions du CL-215T avec des matériaux résistants à la corrosion, ce qui lui garantit une longévité et une fiabilité plus importantes… Par ailleurs le largage s’effectue par quatre portes, eu lieu de deux pour le CL-215, pouvant être ouvertes de façon séquentielle ou simultanée.
D’autres améliorations portent sur l’avionique, dont une partie équipait déjà le CL-215, comme un habitacle modernisé avec des écrans cathodiques, des gouvernes assistées qui permettent une meilleure précision dans le pilotage, un système d’instruments de navigation et de communication plus moderne et donc plus électronique (Honeywell Corp, Kratos)…
Le poste de pilotage est climatisé.
De nouveaux moteurs, Pratt et Whitney PW123AF de 2 380 HP, qui équipaient déjà également le CL-215T, sont plus puissants que les Pratt et Whitney R2800 du CL-215 (2 100 HP) et plus légers. Ces derniers permettent un emport plus important, deux réservoirs d’un peu plus de 3 000 litres soit un total de 6 130 litres, et moins de vibrations et donc un meilleur confort pour les équipages. Ce surcroit de puissance de propulsion de 280 HP autorise des décollages plus courts avec un accroissement de la vitesse ascensionnelle. Ce dernier paramètre est très important pour un bombardier d’eau qui doit être capable de reprendre de l’altitude rapidement après avoir largué sa charge. Par ailleurs les turbopropulseurs permettent un temps de mise en route bien plus courts que les moteurs à pistons du Cl-215.
L’appareil est muni d’une réserve de 320 litres d’additif (retardant, agent mouillant/moussant) qui peut être additionnés à l’eau de manière dynamique.
La Sécurité Civile souscrit à ce programme et un contrat avec l’avionneur est signé en octobre 1991. Il prévoit une commande de douze appareils baptisés Bombardier 415.
Le vol inaugural de ce nouvel appareil est réalisé le 6 décembre 1993 à Montréal. L’appareil de test volera dès 1996 pour la Sécurité civile avec l’indicatif Pélican 31 et l’immatriculation F-ZBFP.
Cinq appareils sont livrés à la Sécurité civile en 1995, six en 1996, un en 1997. Puis trois en 2006 et 2007 en remplacements de trois appareils malheureusement perdus en missions ou en entrainements. Soit un total de quinze appareils livrés.
L’un d’entre-eux, le Pélican 32, F-ZBFS, reçoit en 2013, une décoration spéciale dans le cadre du cinquantième anniversaire de la création de la Base avions de la Sécurité Civile à Marseille-Marignane avec, en bonne place le pélican, surnom5Le pélican est en effet cet oiseau aquatique prêt à se sacrifier pour ses semblables, qui se nourrit de poissons en fonçant sur l’eau muni d’un grand bec et d’une poche extensible à la manière d’un bombardier d’eau amphibie qui va se recharger en eau… et indicatif, l’oiseau auquel ressemblent tant ces bombardiers d’eau6Les bombardiers d’eau Canso-Catalina PBY qui ont précédé les Canadair portaient déjà cet indicatif !.
En 2017 l’ensemble des appareils de la Sécurité civile sont déplacés vers la nouvelle implantation de la base avions de la Sécurité civile à à Nîmes-Garons.
Les caractéristiques du CL-415
Dimensions | |
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Longueur | 19,82 m |
Envergure | 28,60 m |
Hauteur | 8,92 m |
Performances Principales | |
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Motorisation | 2 x Pratt & Whitney PW123AF |
Puissance | 2 x 1 780 kW |
Vitesse de croisière | 333 km/h |
La flotte des appareils Bombardier 415
Indicatif Sécurité civile | N° de série7N° de série constructeur. | Immatriculation | Mise en service | Notes/Fin de service |
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Pélican 31 | 2002 | F-ZBFP | 1996 | Utilisé pour les premières vérifications techniques, les essais en vol, les essais à l’eau… |
Pélican 32 | 2001 | F-ZBFS | 1995 | Premier exemplaire construit. Il a reçu en 2013 une livrée spéciale dans le cadre des cérémonies anniversaires du cinquantenaire d’existence de la base avions de la Sécurité civile de Marignane. |
Pélican 33 | 2006 | F-ZBFN | 1995 | |
Pélican 34 | 2007 | F-ZBFX | 1995 | |
Pélican 35 | 2010 | F-ZBFY | 1996 | |
Pélican 36 | 2011 | F-ZBEO | 1995 | S’est crashé le 1er aout 2005 sur les hauteurs de Calvi en Haute-Corse avec perte de l’équipage. |
Pélican 37 | 2013 | F-ZBFV | 1995 | |
Pélican 38 | 2014 | F-ZBFW | 1996 | |
Pélican 39 | 2015 | F-ZBEG | 1996 | |
Pélican 41 | 2018 | F-ZBEZ | 1996 | S’est abimé sur le Lac de Sainte-Croix dans le Var, le 8 mars 2004, au cours d’une formation et en phase d’amerrissage avec perte préalable d’un flotteur. Deux victimes et un blessé. |
Pélican 42 | 2002 | F-ZBEU | 1997 | |
Pélican 43 | 2025 | F-ZBFQ | 1996 | S’est abimé le 17 novembre 1997 lors d’un exercice d’entrainement dans la baie de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) avec perte de l’équipage. |
Pélican 44 | 2002 | F-ZBME | 2006 | |
Pélican 45 | 2002 | F-ZBMF | 2006 | |
Pélican 48 | 2002 | F-ZBMG | 2007 |
Bombardier Aéronautique arrête le production du 415 en 2015. En juin 2016, Bombardier Aéronautique revend l’ensemble des actifs de sa branche hydravions amphibies à la société Viking Air qui assure désormais le service après-vente de l’avion. En février 2022, Longview Aviation Capital, maison mère de Viking Air, regroupe plusieurs de ses entreprises, dont Viking Air, sous le nom de De Havilland Aircraft of Canada Limited. Le successeur du Bombardier 415 devrait donc porter le nom commercial DHC-515.
La Canadian Commercial Corporation8La Canadian Commercial Corporation est l’agence canadienne de passation de contrats de gouvernements à gouvernements. a annoncé la signature d’un contrat avec la DGA (Direction Générale de l’Armement) française pour la livraison de deux premiers DHC-5159CCC signent un contrat avec la France pour des avions DHC-515 FIREFIGHTER™, 12 août 2024, consulté le 24 novembre 2024..
Il s’agit des deux appareils annoncés dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union Européenne (RescEU) qui prévoit de financer la dotation de deux appareils au sein de six nations, opérés au sein des flottes déjà existantes, et pour lesquels la Grèce, la Croatie, le Portugal l’Espagne et donc la France, ont signé ces derniers mois.
Une collection de photographies
Remerciements
Merci à Marc DUTHET, Bertrand LEDUC et Sam PRÉTAT d’avoir partagé avec nous leurs très belles photographies des appareils de la Sécurité civile.
Notes
↑1 | Pélican 28 sera ferraillé en 2004. |
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↑2 | Pélican 23 est conservé depuis 2009 par le Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget. Il avait totalisé près de 8 250 heures de vol avant sa retraite ! |
↑3 | Sur les hydravions à coque, le redan est la ligne de cassure à la partie arrière inférieure du fuselage qui permet à l’appareil de sortir plus facilement de l’eau lors du décollage. |
↑4 | En aéronautique, le saumon d’aile est la partie constituant l’extrémité d’une aile, qu’elle soit fixe (dans le cas d’un avion) ou tournante (comme le rotor principal d’un hélicoptère. |
↑5 | Le pélican est en effet cet oiseau aquatique prêt à se sacrifier pour ses semblables, qui se nourrit de poissons en fonçant sur l’eau muni d’un grand bec et d’une poche extensible à la manière d’un bombardier d’eau amphibie qui va se recharger en eau… |
↑6 | Les bombardiers d’eau Canso-Catalina PBY qui ont précédé les Canadair portaient déjà cet indicatif ! |
↑7 | N° de série constructeur. |
↑8 | La Canadian Commercial Corporation est l’agence canadienne de passation de contrats de gouvernements à gouvernements. |
↑9 | CCC signent un contrat avec la France pour des avions DHC-515 FIREFIGHTER™, 12 août 2024, consulté le 24 novembre 2024. |