Stabilité d’une échelle aérienne : c’est le moment !
La mise en station d’une échelle
Le développement de la structure extensible d’une échelle pivotante déplace le centre de gravité de l’engin verticalement vers le haut et créé ainsi un risque de renversement. Et plus encore lorsque des sapeurs-pompiers évoluent sur le parc d’échelles ou lorsque la nacelle les reçoit ainsi que les personnes secourues..
Il est donc essentiel de stabiliser une échelle pivotante, lors de sa mise en station, avant même toute mise en œuvre. Cela s’effectue grâce à des vérins télescopiques, ou poutres d’extension, qui vont se développer vers l’extérieur du châssis et appuyer au sol les semelles dont ils sont munis. Voyons comment ces éléments participent activement à la stabilité d’une échelle en action.
Les forces en présence
Les principes physiques mis en œuvre lors du fonctionnement d’une échelle pivotante sont les mêmes que ceux qui régissent le principe du bras de levier.
Faisons un peu de physique mécanique, mais avec beaucoup d’approximations. Pour notre démonstration considérons une configuration précise d’une échelle pivotante : la tourelle a pivoté de 90° (elle est perpendiculaire au sens de la marche de l’engin), l’échelle n’est pas dressée ni déployée. Au bout du parc est installée une plateforme, également appelée nacelle, panier de sauvetage…, elle aussi horizontale. Aucun stabilisateur n’est encore mis en œuvre. Nous considérons le sol comme indéformable et supposons l’absence de vent latéral.
Deux groupes de force s’opposent : l’un a tendance à faire basculer l’ensemble engin-échelle tandis que l’autre va au contraire avoir tendance à le maintenir au sol. Toutes ces forces résultent de la pesanteur appliquée aux masses concernées :
- Le poids du véhicule et sa charge utile, d’un poids Pc appliqué au centre d’inertie de l’engin,
- Le poids du parc d’échelles, Pe, dont le centre d’inertie est situé au centre du parc,
- Le poids de la plateforme et sa charge utile (sapeurs-pompiers, personnes secourues…), Pn appliqué là aussi en centre d’inertie de cette dernière.
Ces trois éléments de masse produisent des forces verticales dirigées vers le sol, Pc, Pe et Pn. Chacune a pour intensité le produit masse concernée par la constante de gravitation terrestre égale à 9.81 Newtons.
La force Fc tend donc à stabiliser l’ensemble châssis/parc/plateforme et s’oppose aux deux autres forces Pn et Pn qui tendent au contraire à renverser le même ensemble vers la gauche autour de l’axe de basculement, A, situé à l’extrémité de bord latéral du châssis, au niveau des roues.
Calcul des moments
La théorie des moments va nous aider à faire un bilan des effecteurs. Le moment d’une force par rapport à un point donné est une grandeur physique vectorielle traduisant l’aptitude de cette force à faire tourner un système mécanique autour de ce point, souvent appelé pivot. Plus cette valeur est importante puis le mouvement induit par la force est facilité.
La mise en ouvre du moment concerné dépend de l’intensité de la force mais également de la position relative du point d’application de la force par rapport au point de rotation(pivot).
La formule générale d’un moment est M= F x d.
- F étant l’intensité de la force agissante,
- d la distance de son point d’application au point de rotation.
Plus on applique une force, d’intensité constante, loin de l’axe de rotation (la distance d) plus cette force est agissante1C’est pourquoi par exemple une poignée de porte est située au bord de celle-ci et pas au centre. Le but est d’augmenter la distance du point d’application de la force à l’axe des charnières autour duquel va pivoter la porte.. C’est le principe du bras de levier.
Appliquons cette loi à notre échelle en faisant le bilan des moments des forces en jeu :
- le moment du poids du châssis : Mc = Pc x Lc ; Lc étant la distance entre le point d’application de la force Rc et le point de basculement (le pivot),
- celui du poids du parc d’échelles : Me = Pe x Le ; Le étant la distance entre le point d’application de la force Pe et le point de basculement (le pivot),
- celui du poids de la nacelle et des personnes embarquées : Mn = Pn x Ln ; Le étant la distance entre le point d’application de la force Pn et le point de basculement (le pivot).
Lorsqu’un objet est soumis à des forces qui tendent à lui appliquer un mouvement de rotation, ce dernier est en équilibre lorsque la somme des moments est nulle.
L’échelle est donc en équilibre si Mc= Me + Mn
Mc est constant car le poids de l’engin (Pc) est constant ainsi que la distance du point d’application de ce poids au point de renversement (Lc).
Il y a donc basculement si Me+Mn >Mc c’est à dire Rc x Lc >Pn x Ln + Pe x Le
-
- Le augmente (et donc Me) si le développement augmente. En effet si le poids du parc d’échelles est constant la distance de son point d’application (A1) au pivot est augmentée,
- Pn augmente (et donc Mn) si la charge de la nacelle augmente (personnes secourues…),
- Ln augmente (et donc encore Mn) si le déploiement est poursuivi.
Dans le deux derniers cas la distance des points d’applications de ces forces au pivot (A1) augmente en conséquence,
C’est intuitif mais on voit donc que si on déploie plus encore le parc d’échelles et/ou si l’on charge la nacelle on augmente significativement le risque de basculement.
Effet des poutres de stabilisation
Nous conservons la même configuration : c’est à dire avec un pivotement de 90°, le parc perpendiculaire au sens de marche de l’engin. Mais cette fois nous sortons une poutre de stabilisation du côté où l’échelle a été pivotée.
La différence majeure se situe dans le déplacement du point de basculement qui passe de la position A à la position B, c’est à dire vers le sens du déploiement du parc. On réduit donc les distances Ln et Le puisqu’on rapproche le pivot, le point de basculement, des points d’application des forces agissantes vers le basculement. Dans le même temps on augmente la distance du point d’application du poids de l’engin et on renforce la force qui tend à maintenir ce dernier au sol.
Et si l’on dresse l’échelle ?
Examinons maintenant le cas où l’on effectue un dressement de l’échelle, toujours dans cette position, c’est à dire l’échelle a pivoté de 90° et se trouve donc perpendiculaire au sens de marche de l’engin. L’échelle est dressée d’un angle Θ. Le poids du châssis et celui du parc d’échelles n’ont pas changé. On considère que la nacelle et son chargement reste inchangé par rapport aux exemples précédents.
Examinons à nouveau les distances des forces par rapport au point de renversement B :
- la distance entre le point d’application du poids de la nacelle et le point de renversement B a diminué et est passé de Ln à Ln’ (avec donc Ln'<Ln). Le moment de ce poids a donc diminué;
- a distance entre le point d’application du poids du parc d’échelle et le point de renversement B a également diminué et est passé de Le à Le’. Le moment de ce poids a donc également diminué.
Le moment de résistance (châssis) est constant, les deux moments de renversement ont diminué : l’échelle a gagné en stabilité.
Comment compenser cette amplification de l’action des forces de basculement ? En s’opposant à elles. Pour cela on pourrait augmenter la masse du châssis mais c’est peu réaliste. On pourrait aussi créer un contrepoids à l’extrémité du parc opposée à celui qui porte la plateforme. Peu réaliste également pour une échelle de pompiers mais cette solution est toutefois utilisée sur les grues statiques de chantiers avec un contrepoids constitué de blocs de béton qui jouent le rôle de lest2On retrouve ce principe avec la balance romaine où la pesée est obtenue par le déplacement d’un poids sur le bras de levier.. On peut imaginer des forces externes comme par exemple un vent fort qui soufflerait sur le châssis et qui donc créerait une force qui contrarierait la force Fc. Ce vent pourrait aussi souffler sur le parc d’échelles lorsque celui-ci est dressé.
Et avec un angle de pivotement différent de 90° ?
Notes
↑1 | C’est pourquoi par exemple une poignée de porte est située au bord de celle-ci et pas au centre. Le but est d’augmenter la distance du point d’application de la force à l’axe des charnières autour duquel va pivoter la porte. |
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↑2 | On retrouve ce principe avec la balance romaine où la pesée est obtenue par le déplacement d’un poids sur le bras de levier. |