La pompe centrifuge


Rapide historique de la pompe centrifuge

Il est difficile de dater l’origine de la pompe centrifuge. On cite le physicien français Denis Papin (1647-1713) qui en aurait conçu en 1689 le premier prototype. Des historiens cite également Léonard de Vinci (1452-1519). Une pompe de ce type aurait été utilisée au XVIIIe siècle en France pour les pièces d’eau des jardins royaux.

Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que l’on produit en série des pompes centrifuges même si l’usage des pompes alternatives (à pistons) reste prépondérant dans l’industrie. Elles ne prendront leur essor qu’au XXe siècle avec l’arrivée des moteurs électriques et thermiques auxquels elles sont particulièrement adaptées.

Le fourgon-pompe Delahaye-Farcot modèle 1906 des sapeurs-pompiers de Paris, par exemple, est livré avec une pompe centrifuge Rateau d’un débit de 120 m3/h. Les pompes à pistons n’ont pas dit pour autant leur dernier mot puisque dix-sept années plus tard les mêmes sapeurs-pompiers de Paris reçoivent une autopompe Somua équipée d’une pompe Drouville à six pistons en barillet pour un débit exceptionnel de 300 m3/h à 5 bars de pression !

Fonctionnement d’une pompe centrifuge

Schéma simplifié de fonctionnement

L’eau arrive au centre du corps de pompe via l’ouie. Elle est ensuite distribuée dans les pales d’une roue à aubes, une hélice dont  l’axe de rotation est au centre du corps de pompe. Elle est projetée avec force contre les parois du volute (enroulement en forme de spirales) formant un canal pour être dirigée vers le collecteur.

L’eau qui arrive selon un axe linéaire va enchainer un mouvement rotatif grâce à l’impulsion de la roue à aubes. Mise ainsi en pression par la force centrifuge, elle va alors trouver une issue vers l’orifice de refoulement [5] et est projetée en sortie de pompe en pression en reprenant à nouveau un trajet linéaire.

Le processus créé une surpression en périphérie du volute et une dépression en son centre. Cet écart de pression va accentuer l’apport d’eau. Le canal du volute présente un diamètre croissant. Ainsi le volume d’eau, en se dilatant, entraine une diminution de la vitesse de l’eau et augmente sa pression1Cette variation de pression liée au changement de vitesse découle de la relation de Bernouilli..

L’apport d’énergie à une pompe centrifuge

Prises de mouvements d'un véhicule incendie
Prises de mouvements d'un véhicule incendie

Une pompe centrifuge nécessite donc une énergie pour entrainer le mouvement rotatif de la roue à aubes autour de l’axe central du corps de pompe. Sur un véhicule d’incendie cette énergie est fournie en général par le moteur de propulsion de l’engin. Une prise de force, ou prise de puissance, va transmettre le couple du moteur de propulsion de l’engin à la pompe sur lequel elle vient s’emboiter grâce à un arbre de transmission. Ce dernier et son mouvement rotatif vont exercer une prise de mouvement sur la pompe et vont animer par entrainement le mouvement rotatif de la roue à aubes. On dit  que la pompe est attelée au moteur de l’engin. L’engin-pompe étant à l’arrêt, le conducteur engage le levier de vitesse vers le cran de pompe.

C’est pourquoi, et cela suscite quelquefois l’étonnement, le moteur d’un un engin d’incendie, en intervention et en position, reste en marche2Cela explique que beaucoup d’engins d’incendie en service depuis de nombreuses années présentent un faible kilométrage .. Sur certains engins un mécanisme particulier permet de rendre la pompe opérante alors que l’engin est en roulage. C’est le cas par exemple des engins d’incendie aéroportuaires qui interviennent dans un contexte particulier.

D’autres engins, comme les camions-citernes pour feux de forêts (CCF) ne disposent pas d’une prise de mouvement. La pompe à incendie qui les équipe est animée par un moteur thermique autonome situé à l’arrière de l’engin et directement attelé à la pompe.

La motopompe remorquable est un cas particulier puisque le moteur thermique qui l’équipe est exclusivement dédié à l’animation de la pompe.

Sur certains bateaux-pompes historiques les pompes pouvaient être aussi entrainées par des moteurs électriques. Elles étaient alors attelées à des génératrices de courant électriques elles-mêmes  alimentées par des moteurs thermiques. C’était le cas par exemple du Fire Fighter, le célèbre bateau-pompe de New York ou encore le bateau-pompe Alerte de Marseille.

Pression et débit

Dépendance de ces deux paramètres

Évolution Pression/débit d'une pompe centrifuge
Évolution Pression/débit d'une pompe centrifuge

Ces deux notions caractérisent les performances d’une pompe.

Pression: C’est l’intensité de la force qu’exerce un fluide par unité de surface. L’unité utilisée en France pour les pompes des véhicules d’incendie est le bar, voisin de la pression atmosphérique au niveau de la mer. Les anglo-saxons utilisent plutôt le psi. Un bar vaut 14.5 psi.

Débit: C’est la quantité de fluide qui traverse une section dans un certain laps de temps. L’unité utilisée en France pour les pompes des véhicules d’incendie est le litre par minute (l/min). On a longtemps utilisé le mètre-cube par heure (m3/h). Les anglo-saxons utilisent plutôt le gallon par minute (gpm). Le gallon américain vaut 3,78 litres environ, le britannique 4,54 litres environ.

Lorsqu’on examine une courbe de pression en sortie d’une pompe centrifuge on note qu’elle a une forme de demi-lune. Le point le plus élevé sur la gauche indique la pression la plus élevée, mais le débit le plus faible, et sur  l’extrémité droite de la courbe le débit le plus élevé mais la pression la plus faible3Dans ce type de courbe on utilise souvent la hauteur manométrique totale atteinte ou HMT plutôt que la pression. Celle-ci prend en compte la hauteur entre le niveau de l’eau et la pompe ce qui correspond à la hauteur manométrique d’aspiration, mais également la hauteur entre la pompe et le point d’utilisation le plus haut ce qui correspond à la hauteur de refoulement.. Les lois de la physique nous apprennent que:

  • 1. Le débit est proportionnel à la vitesse de l’arbre (exprimée en tours par minute) ou au diamètre de la roue à aubes,
  • 2. La pression produite est, quant à elle,  proportionnelle au carré de la vitesse de l’arbre ou du diamètre de la roue à aubes.

On augmente donc le débit au détriment de la pression et la pression au détriment du débit. On peut observer cette dépendance des deux paramètres avec certaines pompes utilisées par le sapeurs-pompiers.
Une pompe d’épuisement, par exemple, offre une faible pression et un fort débit. L’objectif étant de déplacer une grande quantité d’eau pour dénoyer.
En revanche les sapeurs-pompiers peuvent utiliser des pompes haute-pression lorsque la quantité d’eau disponible est limitée et lorsqu’ils veulent compter sur l’action mécanique de la projection d’eau pour lutter contre les flammes.
On peut observer de telles pompes sur des engins de première intervention, des véhicules de secours routier ou sur des camions-citernes pour feux de forêts, ou encore pour des tâches autres que le lutte contre les incendies, par exemple le nettoyage d’une chaussée après un accident sur la voie publique avec une pompe embarquée sur un engin pour interventions diverses

Une question d’étages ou de parallélisme

Le fonctionnement d’une pompe décrit plus haut est celui d’une pompe monocellulaire. C’est à dire constituée d’un seul corps de pompe, d’une seule roue à aubes… On peut ajouter jusqu’à trois autres cellules et roues et constituer ainsi une pompe pluricellulaire à deux, trois ou quatre étages montés en série sur le même arbre. L’étage de chaque étage refoule dans celui qui le suit. Les pressions en sortie se complètent et on obtient donc en sortie finale un refoulement de plus forte pression mais de même débit.

Les bateaux-pompes disposant de plusieurs pompes permettent leur montage en parallèle. Les pompes, distinctes et possédant chacune son arbre, refoulent alors dans une conduite commune. On obtient de cette façon un débit plus important pour une même pression.

Par exemple le bateau-pompe Pytheas, qui était en service à Marseille jusqu’en 2003, refoulait 730 m3/h à 8 bar de pression avec ses pompes en parallèle et 365 m3/h à 16 bar de pression avec ses pompes en série.

Les pompes centrifuges versus les pompes à pistons

Nous l’avons vu avec la description des pompes à bras utilisées pour la lutte contre les incendies: les pompes à pistons (ou pompes alternatives car basées sur le principe de fonctionnement d’un ou plusieurs pistons.) peuvent être lourdes et encombrantes, délivrent un jet pulsé, demandent une maintenance importante (étanchéité des joints…). En revanche elles sont auto-amorçantes. Elles offrent de bons rendements et sont robustes.

Les pompes centrifuges sont peu encombrantes, offrent un débit continu et nécessitent peu de maintenance. En revanche elles nécessitent un amorçage lors de leur mise en œuvre. L’amorceur, qui est un accessoire de la pompe, a pour fonction de créer un vide dans le corps de pompe et la ligne d’aspiration afin de permettre à l’eau d’alimentation d’arriver jusqu’à la roue a aubes. C’est en quelque sorte une petite pompe annexe qui amène donc l’eau jusqu’au corps de pompe, en créant une dépression dans le circuit, où elle est prise en charge par la roue à aubes et l’impulseur. L’amorceur historique des engins d’incendie est l’amorceur à anneau d’eau mais il existe également un amorceur à pistons, à membranes…

La cavitation

Roue à aubes d'une pompe centrifuge endommagée par le phénomène de cavitation
Roue à aubes d'une pompe centrifuge endommagée par le phénomène de cavitation

La cavitation est un phénomène qui concerne les pompes centrifuges et se produit quand la pression à l’intérieur du circuit est égale ou devient inférieure à la pression de vapeur4La pression de vapeur est la pression à laquelle un liquide et sa vapeur sont en équilibre à une température donnée. lorsqu’un liquide est déplacé à n’importe quelle vitesse, avec la variation de pression qui en résulte, il est possible que le liquide chute en dessous de sa pression de vapeur. de l’eau déplacée. L’eau  se vaporise partiellement et instantanément, surtout dans les zones où la pression est basse, puis se recondense rapidement. Il y a alors formation de bulles. Lorsque ces dernières  éclatent elles créent des micro-jets à hautes pressions et des ondes de chocs qui attaquent les composants là où l’eau est en contact avec les surfaces solides. On entend alors des claquements et des vibrations apparaissent…  Ce phénomène peut conduire à des dysfonctionnements, voire des pannes (bris de l’impulseur) et agit sur le durée de vie de la pompe.

Pour prévenir ce phénomène il est conseillé de jouer sur équilibre entre la pression d’entrée et l’intensité de l’utilisation de la pompe. On peut utiliser des pompes multicellulaires ou en série pour répartir l’effort, réduire la parcours d’aspiration, réduire le débit si c’est possible ou la vitesse de rotation de la roue à aubes, positionner la pompe le plus bas possible par rapport à la source d’alimentation…

Notes

Notes
1 Cette variation de pression liée au changement de vitesse découle de la relation de Bernouilli.
2 Cela explique que beaucoup d’engins d’incendie en service depuis de nombreuses années présentent un faible kilométrage .
3 Dans ce type de courbe on utilise souvent la hauteur manométrique totale atteinte ou HMT plutôt que la pression. Celle-ci prend en compte la hauteur entre le niveau de l’eau et la pompe ce qui correspond à la hauteur manométrique d’aspiration, mais également la hauteur entre la pompe et le point d’utilisation le plus haut ce qui correspond à la hauteur de refoulement.
4 La pression de vapeur est la pression à laquelle un liquide et sa vapeur sont en équilibre à une température donnée. lorsqu’un liquide est déplacé à n’importe quelle vitesse, avec la variation de pression qui en résulte, il est possible que le liquide chute en dessous de sa pression de vapeur.