Explosion au port d’Halifax, Canada (1917)


Les Ports en temps de guerres

Chargement d'un cargo à New York en 1944
Chargement d'un cargo à New York en 1944

En temps de guerres les ports prennent une importance tactique et stratégique de premier plan : embarquement de troupes, de denrées, d’armes et de munitions, rapatriement des blessés…

Après leurs fabrications ces munitions et armements sont acheminés par voies ferroviaires vers les grands ports pour y être embarqués à bord de navires en partance pour les théâtres d’opérations européens.

La demande d’approvisionnement de toutes sortes est telle que les navires militaires ne suffisent plus et des navires civils sont réquisitionnés. C’est le cas par exemple du Normandie, paquebot français de luxe, qui sera rebaptisé Lafayette, attaché au port de New York et qui devait être affecté au transport de troupes avant sa tragique destruction par un incendie.

Cette très forte augmentation d’activité et de trafic ainsi que la nature des cargaisons chargées ou ou déchargées ( munition, explosifs ….) s’accompagnait d’un accroissement considérable des risques d’incendie et d’explosions.

Le port canadien d’Halifax, Nouvelle-Écosse

Carte du port de Halifax
Carte du port de Halifax

Le port d’Halifax, situé à l’est du Canada, sur l’Atlantique Nord, était l’un de ces centres névralgiques durant la Première guerre mondiale. Il est vaste et profond, libre de glaces et situé à proximité des routes maritimes des Grands cercles reliant l’Europe à la côte est de l’Amérique du Nord.

De plus, Il était relié au système de chemin de fer intercolonial1Le chemin de fer Intercolonial est une ligne ferroviaire qui a été exploitée de 1872 à 1918 entre la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec et l’Ontario. Il s’agit à l’époque de la première infrastructure nationale jamais construite au Canada. Il répond à la nécessité d’installer des lignes de chemin de fer à l’intérieur et entre les colonies Britanniques pour améliorer les communications, l’économie et les capacités de défense militaire.. Il devient l’un des points centraux de l’effort de guerre des alliés.

Les navires chargés d’armes, de munitions et de troupes y convergent pour former des convois qui s’acheminent ensuite vers l’Europe. Ce déplacement en convoi est rendu nécessaire pour des raisons de sécurité, les sous-marins allemands patrouillent sur les côtes nord-américaines, les convois sont protégés par des navires de guerre.

L’arrivée de troupes et des officiers des marines britannique et canadienne, nécessaires à gestion des activités du port, augmentent sensiblement la population de la ville d’une cinquantaine de milliers d’habitants. Des millions de tonnes de marchandises diverses et de ravitaillement passent par le port à destination des lieux de la guerre. Du blé, du bois, du charbon, des provisions, des munitions et des armes sont transportés à Halifax en train par la ligne transcontinentale pour repartir par voie maritime vers l’Europe.

Halifax vers 1900
Halifax vers 1900

Le port reçoit également des navires qui ont besoin de ravitaillement, de réapprovisionnement ou de réparations. Ce trafic intégrait également un flux important de navires sous pavillons des nations neutres qui devaient y faire escale pour une subir une inspection.

Si beaucoup de militaires et de marins sont présents à Halifax des civils arrivent d’un peu partout à la recherche d’emploi, que ce soit sur les quais, aux chemins de fer, à la raffinerie de sucre ou dans d’autres usines…

La partie Nord de la ville est occupée par le quartier ouvrier de Richmond où se concentre l’activité industrielle d’Halifax. On y trouve des maisons, des églises, des écoles… construites en bois. Ses rues mènent au port, à la gare de triage, aux quais, aux cales sèches, aux usines dont une sucrerie… où l’activité est intense.

De l’autre côté du port se trouve Dartmouth, moins peuplée où se trouve Turtle Grove, un village Mi’kmaq2Les Mi’kmaq sont un peuple autochtone de la côte nord-est d’Amérique, faisant partie des peuples algonquiens..

La collision

Cargo norvégien Imo (1889 -1921)
Cargo norvégien Imo (1889 -1921)

Cargo français Mont-Blanc (1899 - 1917)
Cargo français Mont-Blanc (1899 - 1917)

Le cargo Mont-Blanc, long de 98 mètres et construit en 1899, est affrété depuis 1915 par la Compagnie Générale Transatlantique et affecté à la ligne des Antilles et du Mexique. En 1915 il est réquisitionné par les forces armées pour le transport de matériels de guerre vers l’Europe.

Le baleinier norvégien Imo (antérieurement Runic puis Tampican), long de 131 mètres et construit en 1889, est affrété par la Commission for Relief in Belgium. Cette dernière est une organisation internationale (à prédominance américaine) chargée du ravitaillement en Belgique et dans le nord de la France sous l’occupation allemande pendant la Première Guerre mondiale.

Le 6 décembre au matin le Mont-Blanc s’apprête à entrer dans le port d’Halifax. Il était arrivé la veille de New York où il avait reçu un chargement de 2 400 tonnes de matières explosives destinées à la France: acide picrique, de TNT3Trinitrotoluène, puissant explosif utilisé à des fins civiles et militaires. Il explose dès qu’il est porté à une température supérieure à 240°C., du fulmicoton4Coton nitré à taux d’azote assez élevé pour avoir des propriétés fortement explosives.… Sur ses ponts ont été chargés des barils de benzène5Le benzène est un liquide inflammable. Il s’enflamme facilement en présence de chaleur, d’une source d’ignition, d’une flamme nue ou d’étincelle, incluant les décharges électrostatiques. ! Il devait accoster dans le bassin de Bedford dans l’arrière port (voir carte) pour intégrer un convoi à destination de l’Europe.
Au même moment l’Imo quitte ce bassin pour sortir du port et se diriger vers New-York où il doit recevoir un chargement humanitaire. Les deux navires sont donc censés se croiser mais le passage qu’ils empruntent est étroit (The narrows) et il va y avoir une grande confusion dans leurs manœuvres respectives et ils se dirigent finalement l’un vers l’autre. le capitaine du Mont-Blanc, et un pilote du port qui a été embarqué à bord, lancent des signaux à l’équipage de l’Imo car il ne serait pas sur sa bonne voie de navigation. Le capitaine de l’Imo signale qu’il ne changera pas de cap. Le Mont-Blanc se dirige alors vers le centre du chenal pour éviter la collision. Dans le même temps, ou presque, l’Imo fait marche arrière mais cette manœuvre le ramène également vers le centre du chenal. La collision est alors inévitable, tribord à tribord. La proue avant de l’Imo est projetée contre la cale avant du Mont-Blanc. Lors de la manœuvre de retrait tenté par l’Imodes étincelles jaillissent du fait des frottements des deux parois de métal des coques et provoquent immédiatement un incendie lorsqu’elles touchent le benzène qui suinte des barils brisés par le choc.

L’incendie

Explosion de Halifax. La collision des deux cargos
Explosion de Halifax. La collision des deux cargos

Un incendie se déclare donc à bord du Mont-Blanc. L’attention des habitants, ouvriers, dockers, fonctionnaires, cheminots, soldats et marins, du port et de la ville, est immédiatement attirée par le bruit du choc de la collision, les fumées épaisses qui se dégagent du Mont-Blanc et ses barils de benzène stockés sur le pont qui sont projetés en l’air du fait de la chaleur, tels des feux d’artifices…

Le capitaine du Mont-Blanc comprend vite que le feu sera incontrôlable, surtout que les flammes empêchent déjà l’accès aux moyens du bord de lutte contre l’incendie. L’explosion est inévitable.
Le capitaine donne l’ordre d’abandonner le navire et deux embarcations de sauvetage sont mises à l’eau. L’équipage tente alors d’alerter les badauds sur le danger imminent mais, hurlants en français, ils ne sont pas compris.

Le Mont-Blanc dérive vers les quais du port d’Halifax et vient buter contre le jetée n°6. Le feu commence à se propager sur les berges (la jetée 6 est construite en bois).
Vince Coleman, répartiteur de train à la gare de Richmond, à proximité de la jetée n° 6, est chargé de contrôler les trains de la ligne principale vers Halifax. Il est prévenu de l’incendie par un marin qui connait la nature explosive de la cargaison du cargo6Peu de personnes étaient informées de la nature explosive de la cargaison du Mont-Blanc. Il ne portait pas par exemple un quelconque signal maritime informant du danger les autres usagers du port. La nature même de cette cargaison exigeait une grande discrétion afin de ne pas en faire une cible potentielle pour les sous-marins allemands !. Le message de Coleman est connu: Retenez le train. Un navire de munitions prend feu dans le port en direction du quai 6 et va exploser. Je suppose que ceci sera mon dernier message. Au revoir, les gars.
Alors que son collègue est allé se mettre à l’abri, Coleman alerte par télégraphe le long de la voie ferrée jusqu’à Truro7Truro est une ville du Centre de la Nouvelle-Écosse à une centaine de kilomètres d’Halifax. pour stopper tous les trains à destination d’Halifax. En particulier un train express de nuit transportant près de 300 passagers, devait arriver à 8h558Soit quelques minutes avant l’explosion ! à Halifax.

Les premiers secours

Halifax est défendu par plus de 120 sapeurs-pompiers mais seulement une trentaine d’entre-eux sont permanents. Ils sont stationnés dans huit centres de secours: Brunswick Street(fire station 1), West Street (fire station 2), Morris Street (fire station 3),  Bedford Row (fire station 4), Quinpool Road (fire station 5), Spring Garden Road (fire station 6), Isleville Street (fire station 7) et Grafton Street (fire station 8).

Ils disposent d’une dizaine d’engins hippomobiles (et une trentaine de chevaux) ainsi qu’un unique engin-pompe motorisé, livré en 1913 par American Lafrance et baptisé Patricia9Probablement en l’honneur de la princesse Victoria Patricia Hélène Elisabeth de Connaught, petite-fille de la reine Victoria, princesse du Royaume-Uni (1886-1974), et, plus tard, Lady Patricia Ramsay, membre de la famille royale britannique. S’était créé en 1914 le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, littéralement l’« Infanterie légère canadienne de la princesse Patricia » et qui était l’un des trois grands régiments d’infanterie des Forces armées canadiennes. Un militaire du régiment est appelé un Patricia.. De type 10, il est animé par un moteur de 75 ch et est équipé d’une pompe d’un débit de 750 gpm (environ 2 800 l/min). Le chef de corps dispose depuis 1911 d’une voiture routière Mc Laughlin à carrosserie roadster10C’est à dire une automobile à deux places, décapotable, sans fenêtres latérales. avec un moteur de 45 ch.

Un commerçant dont la boutique est située sur le quai 6 prévient les secours par téléphone11Il y avait à l’époque peu d’habitants possesseurs d’une ligne téléphonique.. L’appel est reçu par le centre de secours de West street (fire station 2). Le quai 6 comporte une zone de chargement de charbon et les incendies y sont fréquents. De ce fait les pompiers font partir aussitôt l’engin-pompe American Lafrance avec une équipage de six hommes: le capitaine William Broderick, le capitaine Michael Maltus, les équipiers Walter Hennessey, Frank Killeen, Frank Leahy et le conducteur Billy Wells.

Au même moment un avertisseur situé sur le quai 6 est également actionné. Le centre de secours d’Isleville street (fire station 8) fait partir un fourgon dévidoir hippomobile conduit par le sapeur-pompier John Duggan.

Le chef de corps, Edward Condon, et son adjoint, William Brunt, font route vers la jetée 6 depuis la station 1 de Brunswick Street au volant du roadster McLaughlin. Arrivé sur les lieux, informé de la situation par le capitaine Broderick et conscient de la gravité de la situation, le chef Condon actionne une seconde fois l’avertisseur 86 pour déclencher une seconde alarme. Il demande la mise en œuvre d’une lance pour combattre l’incendie qui s’est propagé sur la jetée n°6.

Le pompier John Spruin, pompier volontaire, se dirige également vers le sinistre avec une pompe à vapeur hippomobile depuis le centre de secours de Brunswick Street.

Le remorqueur Stella Maris, un ancien dragueur de mines converti en remorqueur et affrété par la compagnie Halifax Trading & Sealing Co, s’est rapproché du Mont Blanc. Son équipage a armé une lance à incendie et essaye d’atteindre le foyer à bord du Mont-Blanc. Mais cette action semble dérisoire et le remorqueur effectue un retrait du fait du fort dégagement de chaleur…
Des membres de l’équipage du croiseur de Highflyer de la Royal Navy embarque à bord du Stella Maris et sont rejoints par sept autres membres de l’équipage du croiseur HCMS Niobe, de la Marine canadienne. On envisage alors d’éloigner la poupe du navire en contact avec la jetée 6, grâce à une remorque, et  ainsi éviter une propagation de l’incendie à terre…

Ces valeureux marins n’auront malheureusement pas le temps de mettre en œuvre leur projet.

L’explosion

L'explosion d'Halifax en décembre 1917
L'explosion d'Halifax en décembre 1917

Explosion de Halifax: nuage peu après l'explosion.
Explosion de Halifax: nuage peu après l'explosion.

Un second fourgon dévidoir part depuis le centre de secours d’Isleville (fire station 7). Alors que les sapeurs-pompiers sont en train d’établir une ligne d’eau et qu’une importe foule est amassée sur le quais, attirée par le sinistre, le Mont-Blanc explose. Il est littéralement pulvérisé, la plus grande partie étant vaporisée en une gigantesque boule de feu qui s’élève à plus de six kilomètres dans les airs. Un souffle brulant s’engouffre dans les rues du port, de Halifax et de Darmouth. Une pluie en milliers de fragments coupants et incandescents retombent en occasionnant des blessures, des brûlures aux personnes sur les quais et dans la ville et des dégâts aux structures environnantes. Une pièce de son ancre, par exemple, sera retrouvée à près de quatre kilomètres du lieu de l’explosion. De nombreux incendies éclatent dans toute la zone d’impact de l’explosion.

L’ Imo est, quant à lui, projeté jusqu’aux rives de Dartmouth, à l’opposé de Halifax. Son capitaine, le pilote qui était à bord et cinq membres d’équipages sont tués. Les autres membres d’équipage sont sérieusement blessés.

On considère que cette détonation, survenue une vingtaine de minutes après la collision, est la plus forte explosion non naturelle jamais produite. Elle gardera ce triste record jusqu’à celle d’Hiroshima en aout 1945.

La zone nord de Halifax et une partie de Darmouth sont rasés et des vitres sont fracassées jusqu’à 16 kilomètres de distance. 1 600 personnes sont tuées sur le coup12L’explosion a fait plus de victimes chez les Néo-Écossais que tous les combats de la Première guerre mondiale réunis., 9 000 autres sont blessées. 10 000 autres sont sans abris.

Un seul sapeur-pompier réchappe à l’explosion, le conducteur de Patricia, Billy Wells, qui est retrouvé inconscient, emmêlé dans des fils télégraphiques,  avec une partie du volant de son engin-pompe entre ses mains !  Il est hospitalisé pendant plus de cinq mois.
Les huit autres font partie des victimes: cinq membres de l’équipage de l’autopompe, le chef de corps et son adjoint qui étaient en action près du sinistre et les deux pompiers qui les rejoignaient (et leurs chevaux) et qui ont été frappés par des débris. L’un d’entre-eux, membre de l’équipage de l’autopompe, Frank Leahy, survit quelques jours avant de succomber à ses blessures.

Les sept marins du Niobe qui avait réussi à aborder le Mont-Blanc sont évidemment perdus ainsi que sept autres marins à bord du croiseur, gravement endommagé.

19 marins et ouvriers à bord du remorqueur Stella Maris sont également tués mais cinq ont survécu et ont pu apporter d’importants témoignages après la catastrophe. La navire, très endommagé, a été projeté sur une plage de Dartmouth, la proue reposant sur le sable et la poupe immergée.

L’explosion provoque un raz de marée qui emporte une grande partie des victimes. Un grand nombre d’embarcations, dont les amarres sont rompues par la force de la vague, sont catapultées à l’intérieur des terres.

Plus de 1600 bâtiments sont rasés, près de 12 000 autres ont subi de sévères dommages, sept navires ont été coulés…

Les secours et les renforts

Sauvetage déblaiement à Halifax
Sauvetage déblaiement à Halifax

Bien évidemment on ne dispose pas localement des ressources nécessaires pour faire face à un événement majeur de cette ampleur. Le port, Halifax (et particulièrement le nord avec le quartier Richmond) et Dartmouth sont plongés dans le chaos.
Lorsque Patrick Coleman, le répartiteur de la gare, a lancé son appel, l’alerte d’un sinistre important et imminent se répand au niveau régional et plus largement. Samuel McCall le gouverneur de l’État du Massachusetts est informé à 11 heures de matin du message de Coleman et des tentatives échouées d’entrer en contact avec Halifax. Son ami et ancien sénateur du Massachusetts, Abraham C. Ratchesky, également philanthrope organise (et finance) un train de secours en partance depuis Boston. La Croix-Rouge Bostonienne demande à intégrer le train13Son siège social était un bâtiment qui lui avait été cédé, à titre de don, par Abraham Ratchesky.. A chaque escale du train des volontaires se présentent, en particulier des médecins et infirmières, pour embarquer !

Le train, retardé par de mauvaises conditions métrologiques (blizzard, neige) et une panne de sa locomotive, arrive à Halifax. Il achemine donc sur place des ingénieurs, des chirurgiens et médecins, des infirmières ainsi que des outils, des vêtements et des fournitures médicales14Depuis cette aide humanitaire Halifax fait don chaque année à la ville de Boston d’un arbre de Noël !. Ratchesky a embarqué avec les secouristes. En s’approchant de Halifax, les informations qui parviennent à Ratchesky sont de plus en plus alarmantes.  Aussi demande t’il l’acheminement de plus de personnels soignants mais également des fournitures et matériaux de construction15Les vitres et le mastic seront particulièrement utiles ! En effet l’explosion a fait éclater les vitres des habitations et les habitants sont exposés aux très mauvaises conditions hivernales..

Mais malgré la confusion et le choc qu’on peut imaginer après une telle catastrophe les ressources locales se sont mises en œuvre.

Une partie de Halifax après l'explosion...
Une partie de Halifax après l'explosion...

Si le pompiers d’Halifax viennent de perdre une grande partie de leur effectif permanent et leur commandement (le chef de corps et son adjoint, les deux officiers…), les volontaires et les permanents survivants (plus d’une centaine) accourent vers le sinistre et luttent contre les innombrables incendies qui se sont déclarés après l’explosion et les retombées d’objets et de fragments incandescents.
Pour cela ils disposent de plusieurs pompes à vapeur, des Amoskeag et une Shand Mason, de 1896, acquise à l’origine pour la protection du chantier naval et cédée aux sapeurs-pompiers de Halifax. Ils sont rejoints par leurs collègues des localités voisines comme celle de Amherst, située à plus de 140 km !

Les soins immédiats et l’essentiel des soins par la suite ont été fournis par des médecins, des infirmières et des étudiants de la Nouvelle-Écosse, complétée par une mobilisation extraordinairement rapide de médecins et d’infirmières des autres provinces maritimes.

Les militaires stationnés à Halifax ou en transit, les marins des navires stationnés dans le port, les survivants, apportent les premiers secours. Tout ce qui roule est mobilisé pour transporter les blessés vers les centres de soins. Les navires qui stationnent dans le port et qui n’ont pas trop souffert de l’explosion accueillent des blessés. L’un d’entre-eux, HMS Old Colony, est transformé en navire hôpital et accueille plus de 150 blessés à son bord.

Véhicules de la Croix-Rouge américaine
Véhicules de la Croix-Rouge américaine

Le service de santé fait preuve d’une efficacité remarquable. L’hôpital Victoria General a utilisé ses 200 lits pour soigner 575 patients blessés et brûlés. L’hôpital Camp Hill, récemment ouvert, a été conçu pour accueillir entre 250 et 300 patients mais 1 400 blessés ont été admis le jour de l’explosion !
Au total, dix hôpitaux ont été utilisés pendant l’urgence : Victoria General The Halifax Infirmary, The Children’s Hospital, The Nova Scotia Hospital, The Cogswell Street Military Hospital et le, Camp Hill Military Hospital.

Beaucoup de blessures sont provoquées par les bris de vitres et les éclats de verre. Beaucoup d’habitants observaient l’incendie derrière leurs fenêtres et l’explosion soudaine et inattendue ne leur pas permis de se mettre assez tôt à l’abri. Plusieurs centaines de blessés soufrent d’atteintes oculaires et certains sont même aveugles. L’intervention d’ophtalmologistes sera donc nécessaire. Douze d’entre-eux traiteront près de 600 patients.

En raison de la nécessité d’un traitement médical immédiat des blessures et de la pression exercée sur les hôpitaux locaux pour soigner les blessés les plus graves, la Brigade de l’Ambulance Saint-Jean16Ambulance Saint-Jean tire ses origines dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, fondé par Godefroy de Bouillon en 1099, à l’époque des Croisades. Elle a été fondée en 1887. C’est une organisation internationale sans but lucratif présente au Royaume-Uni et dans les anciennes colonies britanniques, notamment le Canada., les Infirmières de l’Ordre de Victoria17Les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada sont un organisme national de santé communautaire à but non lucratif, qui offre des soins infirmiers. L’organisme est fondé en 1897 au Canada pour répondre à une pénurie critique d’infirmières, de médecins et d’hôpitaux, en particulier dans les régions éloignées. Son nom commémore le jubilé de diamant de la Reine Victoria. et les infirmières du service d’aide volontaire de la Croix-Rouge ont soigné les blessés légers à domicile ou dans des locaux répartis dans toute la ville (écoles, collèges, églises…), par exemple le Collège Sainte-Marie, transformés en hôpitaux temporaires. D’autres mouvements se mobilisent, par exemple les membres de la YMCA18La Young Men’s Christian Association ou en français l’Association chrétienne de jeunes gens, est un mouvement de jeunesse chrétien fondé en 1844 à Londres et maintenant présent dans de nombreux pays. qui organisent eux aussi des centres de soins temporaires.

Service de repas assuré par la Croix-Rouge américaine
Service de repas assuré par la Croix-Rouge américaine

Des trains sont affrétés pour transporter des blessés à Truro qui a joué un rôle majeur dans les soins aux victimes d’explosions, servant presque d’hôpital périphérique pour Halifax selon certains témoignages.

Des navires au large se déroutent sur Halifax pour participer aux secours mais leur entrée dans le port est compliquée du fait des nombreux débris résultant de l’explosion.

C’est la première participation de la Croix-Rouge canadienne aux secours suite à une catastrophe. Elle le fera sous la direction de la Croix-Rouge américaine, pionnière dans le travail de secours en cas de catastrophe pendant des décennies. Rappelons qu’elle avait largement participé aux secours à San Francisco lors du tremblement de terre de 1906 qui avait fait plus de 3 000 victimes.

Trois point se sont révélés particulièrement importants dans le scénario de mise en place des secours:

  • L’appel du régulateur ferroviaire Coleman qui a très probablement été la première alerte qui a dépassé le cadre du port et de la ville. Son alerte s’est rapidement répercutée aux localités voisines et plus loin ensuite pour atteindre rapidement le bureau du gouverneur de l’État du Massachusetts qui a réagit très rapidement. N’oublions pas qu’à partir du moment où l’explosion s’est produite les communications avec Halifax ont été impossibles,
  • La remarquable organisation locale. Les militaires et marins sur place, les pompiers, la police, les membres des organisations humanitaires (Croix-Rouge, infirmières de l’ordre de Victoria, l’Ambulance de Saint-Jean…), les habitants survivants se sont très vite mobilisés, le choc de l’explosion passé. Les personnels soignants, des établissements publics, privés ou militaires, ont fait preuve d’une réactivité exemplaire,
  • L’aide humanitaire américaine, qui s’est, elle aussi, rapidement mobilisée. Dès la connaissance du sinistre des trains chargés de matériels de secours et de personnels techniques et soignants ont été constitués pour rejoindre les lieux du drame.

Épilogue

Halifax et son Port se sont reconstruits et les activités liées à l’état de guerre ont rapidement repris. Halifax jouera d’ailleurs à nouveau ce rôle de plaque tournante lors de le Seconde guerre mondiale.

Un  nouveau chef de corps est nommé à la tête des pompiers de Halifax. L’autopompe est récupérée et restaurée par American Lafrance qui la restitue avec quelques modifications portant essentiellement sur la carrosserie (ailes avant plus enveloppantes, installation d’un parechoc avant…). Pendant ce temps de restauration la firme prête une pompe à vapeur aux pompiers de Halifax. L’autopompe, restituée aux sapeurs-pompiers de Halifax, y reste en service jusqu’en 1945 et est ensuite cédée à un autre corps de pompiers de plus faible activité.

Billy Wells, le conducteur de l’autopompe, reprend son service et décède en 1971 à l’âge de 91 ans !

Le Mandat de la Croix-Rouge canadienne est élargie en 1919 pour son action en temps de paix.

L’exercice de la médecine de catastrophe, hors d’une zone de guerre, avec un tri des urgences en fonction de la gravité des blessures devient une discipline qui sera, hélas, utile pour d’autres catastrophes ultérieures.

Le cargo Imo est reconstruit en 1918, renommé Guevernoren en 1920 et s’échoue finalement n 1921 au large des îles Malouines et est, cette fois-ci, considéré comme une perte totale.

Le remorqueur Stella Maris est également récupéré et reconstruit pour reprendre du service à Halifax.

Sources

  • Kitz, Janet F. Shattered City: The Halifax Explosion and the Road to Recovery. Halifax: Nimbus Publishing, 1989,
  • Maybee, Janet. Aftershock: The Halifax Explosion and the persecution of pilot Francis Mackey, Nimbus Publishing, 2015,
  • Mac Donald, Laura. Curse of The Narrows : The Halifax Explosion, HarperCollins, Toronto, 2005,
  • Les archives Municipales de Halifax,
  • Les archives de Nouvelle-Écosse,
  • Halifax Fire Historical Society, association à but non lucratif qui promeut l’histoire du service d’incendie d’Halifax par la recherche et la sensibilisation.

Notes

Notes
1 Le chemin de fer Intercolonial est une ligne ferroviaire qui a été exploitée de 1872 à 1918 entre la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec et l’Ontario. Il s’agit à l’époque de la première infrastructure nationale jamais construite au Canada. Il répond à la nécessité d’installer des lignes de chemin de fer à l’intérieur et entre les colonies Britanniques pour améliorer les communications, l’économie et les capacités de défense militaire.
2 Les Mi’kmaq sont un peuple autochtone de la côte nord-est d’Amérique, faisant partie des peuples algonquiens.
3 Trinitrotoluène, puissant explosif utilisé à des fins civiles et militaires. Il explose dès qu’il est porté à une température supérieure à 240°C.
4 Coton nitré à taux d’azote assez élevé pour avoir des propriétés fortement explosives.
5 Le benzène est un liquide inflammable. Il s’enflamme facilement en présence de chaleur, d’une source d’ignition, d’une flamme nue ou d’étincelle, incluant les décharges électrostatiques.
6 Peu de personnes étaient informées de la nature explosive de la cargaison du Mont-Blanc. Il ne portait pas par exemple un quelconque signal maritime informant du danger les autres usagers du port. La nature même de cette cargaison exigeait une grande discrétion afin de ne pas en faire une cible potentielle pour les sous-marins allemands !
7 Truro est une ville du Centre de la Nouvelle-Écosse à une centaine de kilomètres d’Halifax.
8 Soit quelques minutes avant l’explosion !
9 Probablement en l’honneur de la princesse Victoria Patricia Hélène Elisabeth de Connaught, petite-fille de la reine Victoria, princesse du Royaume-Uni (1886-1974), et, plus tard, Lady Patricia Ramsay, membre de la famille royale britannique. S’était créé en 1914 le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, littéralement l’« Infanterie légère canadienne de la princesse Patricia » et qui était l’un des trois grands régiments d’infanterie des Forces armées canadiennes. Un militaire du régiment est appelé un Patricia.
10 C’est à dire une automobile à deux places, décapotable, sans fenêtres latérales.
11 Il y avait à l’époque peu d’habitants possesseurs d’une ligne téléphonique.
12 L’explosion a fait plus de victimes chez les Néo-Écossais que tous les combats de la Première guerre mondiale réunis.
13 Son siège social était un bâtiment qui lui avait été cédé, à titre de don, par Abraham Ratchesky.
14 Depuis cette aide humanitaire Halifax fait don chaque année à la ville de Boston d’un arbre de Noël !
15 Les vitres et le mastic seront particulièrement utiles ! En effet l’explosion a fait éclater les vitres des habitations et les habitants sont exposés aux très mauvaises conditions hivernales.
16 Ambulance Saint-Jean tire ses origines dans l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, fondé par Godefroy de Bouillon en 1099, à l’époque des Croisades. Elle a été fondée en 1887. C’est une organisation internationale sans but lucratif présente au Royaume-Uni et dans les anciennes colonies britanniques, notamment le Canada.
17 Les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada sont un organisme national de santé communautaire à but non lucratif, qui offre des soins infirmiers. L’organisme est fondé en 1897 au Canada pour répondre à une pénurie critique d’infirmières, de médecins et d’hôpitaux, en particulier dans les régions éloignées. Son nom commémore le jubilé de diamant de la Reine Victoria.
18 La Young Men’s Christian Association ou en français l’Association chrétienne de jeunes gens, est un mouvement de jeunesse chrétien fondé en 1844 à Londres et maintenant présent dans de nombreux pays.