Anatomie d’un agrès de secours routier : l’écarteur hydraulique


La nécessité du secours routier

Accident routier
Accident routier

Suite à un accident de la route1La même situation décrite ici peut se produire lors d’accidents ferroviaires ou aériens. les blessés légers sortent généralement des véhicules par leurs propres moyens. Les victimes qui se trouvent encore à l’intérieur du véhicule à l’arrivée des sapeurs-pompiers sont donc soit des blessés graves soit des blessés, légers ou graves, piégés par la carrosserie déformée du véhicule. Il va donc falloir accéder à ces victimes pour permettre aux équipes médicales de les aborder pour prodiguer des soins et aux équipes de secours pour les extraire . Il va falloir ainsi ouvrir des portières bloquées, pousser, écarter, relever, retirer des éléments de carrosserie. Cette opération est appelée désincarcération. Pour cela les secours utilisent des matériels de forçage.

Les constructeurs automobiles et la sécurité passive

Sécurité passive
Sécurité passive

Le taux de survie et la réduction des blessures graves des usagers de la route, en cas d’accidents, est une préoccupation majeure des constructeurs automobiles.
La recherche et développement dans ce domaine, la sécurité passive2La sécurité passive, ou sécurité secondaire, est composée de l’ensemble des éléments qui par leur présence ou leur fonctionnement permettent de réduire la gravité d’un accident., a conduit à des véhicules plus surs (freinage ABS …) et plus robustes (choix des matériaux, renforts..). En particulier la zone de déformation située à l’avant du véhicule est chargée d’absorber l’énergie du choc tandis que l’habitacle très rigide fait office de cellule de survie. Elle préserve autant que possible l’intégrité des occupants, évitant aussi l’intrusion meurtrière des éléments mécaniques dans l’habitacle.

Des secours plus difficiles

Mais la sécurité passive, par définition, n’empêche pas les accidents et ces derniers se produisent toujours. Elle devait donc se prolonger par des moyens de secours aux blessés plus adaptés et plus efficaces. Un problème se pose alors pour les secouristes : les matériaux et les structures plus résistants rendent l’extraction des victimes plus difficile. Le temps moyen d’intervention a ainsi triplé en une vingtaine d’années.
Les outils de désincarcération modernes doivent donc s’adapter à ces nouvelles contraintes, car de leur capacité et leurs performances dépend bien souvent la vie de victimes.

Étude d’un écarteur hydraulique

Le choix de l’hydraulique

C’est l’énergie hydraulique qui a été choisie pour pour animer les matériels de secours routier. Elle autorise des efforts importants et un fonctionnement en extérieur, y compris dans un environnement humide. La scie à disque qui génère des étincelles est incompatible avec la sécurité des personnes et la présence possible d’hydrocarbures.

Exercice de secours routier
Exercice de secours routier

L’écarteur hydraulique, au même titre que la cisaille ou le vérin, fait partie de la panoplie de matériels utilisés par les sapeurs-pompiers dans les opérations de désincarcération. Il permet d’écarter des éléments de carrosserie déformés par les chocs : ouverture des portières et coffres bloqués, soulèvement des colonnes de direction… pour permettre l’accès aux victimes par les équipes médicales et leur dégagement.

L’écarteur fait donc partie d’une chaine hydraulique, c’est à dire qu’il est animé par l’énergie hydraulique. Cette dernière se présente sous la forme d’un fluide mis en pression par un groupe et dirigé vers un vérin hydraulique, via un distributeur, par des flexibles. Classiquement Le fluide en pression va mettre en mouvement le piston et la tige d’un vérin, ce dernier est qualifié d’actionneur3Les actionneurs constituent en fait la fin du parcours du système hydraulique.. Les mécaniciens représentent cette chaine par un schéma hydraulique avec une symbolique propre. Le vérin comporte deux chambres qui seront mises en pression successivement en fonction des commandes de l’opérateur. Pour cela ce vérin est qualifié de vérin à double effet.

Mise en action de l’opérateur hydraulique

Au départ de la chaine un groupe hydraulique alimente un réseau en huile à un débit et une pression choisies. Pour cela il intègre une pompe, un réservoir d’huile (appelé souvent bâche), des filtres, des composants de sécurité (pouvant agir sur une chute accidentelle de pression, une surpression..)… Il peut alimenter plusieurs agrès de désincarcération simultanément.

Schématisation animée du principe de fonctionnement d’un écarteur hydraulique :

  • Le fluide en pression, en sortie du groupe, est dirigé vers un flexible (rouge). Ce dernier est prolongé vers le vérin par un raccord rapide,
  • il est dirigé vers un distributeur qui va l’orienter vers la chambre arrière du vérin, c’est à dire en arrière du piston. Le distributeur est au circuit hydraulique ce que l’aiguillage est au trafic ferroviaire. En fait, il dirige (distribue donc) le fluide aux endroits désirés (en avant ou en arrière du piston du vérin en fonction des commandes). Le distributeur permet aussi de commander le démarrage ou l’arrêt de l’actionneur hydraulique (ici le vérin),
  • la pression déplace le piston dans le corps du vérin et pousse donc la tige du vérin vers la gauche,
  • ce mouvement est transmis à son tour à un jeu de deux bielles (en fait de petites bielles ou biellettes) reliées aux deux bras (les mâchoires) de l’écarteur. Le mouvement linéaire de la tige est donc prolongé par un mouvement rotatif par le biais de ces deux bielles. C’est le rôle d’une bielle : en mécanique, elle est une pièce dotée de deux articulations, une à chaque extrémité, dans le but de transmettre une force, un mouvement ou une position. L’articulation à chaque extrémité de la bielle peut être un pivot ou une rotule. Ici les deux bielles permettent la transformation du mouvement alternatif rectiligne du piston en un mouvement de rotation des mâchoires,
  • ce mouvement, maintenant rotatif, va ainsi ouvrir avec force les deux bras de l’écarteur. L’action attendue, un écartement avec force, est réalisé,
  • Pendant ce temps, si le fluide arrive en pression dans la chambre arrière du vérin, il repart, depuis la chambre avant, orienté par le distributeur, vers le réservoir du groupe via un second flexible (bleu),
  • l’opérateur qui met en action l’écarteur peut, bien entendu, interrompre à tout moment le mouvement d’écartement et en particulier lorsque l’effet attendu est atteint,
  • le mouvement inverse, le resserrement des mâchoires et donc le retour à leur position fermée, est réalisé par une inversion des mouvements du fluide. Elle est obtenue par un déplacement de la position du distributeur qui va, cette fois, amener le fluide en pression vers la chambre avant du vérin et diriger le fluide de retour de la chambre arrière vers le réservoir du groupe. A la différence près que la pression exercée cette fois est moins importante, l’effet recherché en force étant l’écartement et non pas le retour des mâchoires à la position initiale. La pression appliquée à l’écartement des bras est de l’ordre de 700 bars alors qu’elle est de l’ordre de 200 bars pour leur retour. Cette dernière permet toutefois des travaux d’écrasement.

Composants de sécurité

L’hydraulique utilisée ici, comme celle d’ailleurs utilisée pour les mouvements d’une échelle aérienne, met en jeu des pressions importantes. Une rupture de pression ou au contraire une surpression peuvent engendrer des incidents: un écartement peut céder alors qu’il est en prise de force, un flexible peut éclater…
Des composants de sécurité sont donc nécessaires. Ce sont essentiellement :

  • Les clapets anti-retours. Ils permettent de contrôler le sens de circulation du fluide. Ce dernier peut circuler dans un certain sens, mais il est bloqué si ce sens s’inverse,
  • Les soupapes de surpression. Elles permettent l’échappement du fluide par décharge vers le réservoir en cas de surpression accidentelle, tout en maintenant la pression dans le circuit de l’actionneur. Le distributeur participe aussi au maintien de cette pression.

Portabilité d’un écarteur hydraulique

Groupe hydraulique portable Hydram
Groupe hydraulique portable Hydram

L’ensemble groupe hydraulique, flexibles (et leurs dévidoirs), écarteurs sont embarqués à bord d’un engin de secours. Cela peut être un véhicule pour interventions diverses, pour secours à personnes, pour sauvetage déblaiement  ou de manœuvres de force… Mais le plus souvent ils sont embarqués à bord d’un véhicule ou une remorque spécifique dédié au secours routier, engin (VSR) ou remorque ( RSR).
Il peut être fixé sur un chariot à roue ou un rack glissant sur des rails permettant ainsi de l’extraire de l’engin pour faciliter sa mise en œuvre.
Le groupe peut être alimenté par un moteur thermique ou un moteur électrique lui même alimenté par un groupe électrogène.

Le groupe peut aussi être portable. On dispose ainsi d’un ensemble  de trois éléments distincts transportables : le groupe, les flexibles et l’écarteur, que l’on peut positionner au plus près des points de désincarcération. Le groupe est autonome grâce à un petit moteur thermique à essence d’environ 3 CV de puissance.

Dispositif combiné électrique

Ensemble combiné électrique autonome
Ensemble combiné électrique autonome

Ensemble combiné électrique autonome
Ensemble combiné électrique autonome

Il existe également des ensembles encore plus portables et plus compacts. En effet le groupe peut être solidaire de l’actionneur. Sur ces matériels il n’y a plus de flexibles, ce qui permet de diminuer la perte de charge et donc la perte de pression. De plus le groupe n’alimente qu’un actionneur (et donc qu’un agrès de désincarcération) et permet une bonne puissance par agrès. Le groupe est lui même alimenté par une batterie électrique, Lithium-ion d’environ 5 Ah, amovible et que l’on recharge sur secteur.
La mise en œuvre d’un tel matériel est plus rapide : pas de flexibles à raccorder, pas de manutention d’un groupe, pas de gêne dans les mouvements des secouristes occasionnées par les longueurs de flexibles…

Les performances d’un tel matériel, immergeable, sont très proches de celles obtenues avec des matériels classiques.

Généralisation de ce principe de fonctionnement à d’autres agrès de désincarcération

Par exemple une cisaille hydraulique qui est également utilisée en secours routier, fonctionne sur le même principe à la différence près que la prise de force est attendue au resserrement des mâchoires coupantes et non pas à leur écartement.

Notes

Notes
1 La même situation décrite ici peut se produire lors d’accidents ferroviaires ou aériens.
2 La sécurité passive, ou sécurité secondaire, est composée de l’ensemble des éléments qui par leur présence ou leur fonctionnement permettent de réduire la gravité d’un accident.
3 Les actionneurs constituent en fait la fin du parcours du système hydraulique.