L’incendie du paquebot Sidi-Ferruch à Marseille (1953)


Le paquebot mixte Sidi Feruch de la SGTM
Le paquebot mixte Sidi Feruch de la SGTM

Le Sidi-Ferruch était un paquebot mixte construit aux Ateliers et chantiers de Bretagne à Nantes et lancé en mai 1949. Armé par la Société générale de transports maritimes de Marseille, il était affecté aux lignes entre la France et l’Algérie, Sidi-Ferruch étant une presqu’île située à 30 km à l’ouest d’Alger. Équipé de quatre cales, Le Sidi-Ferruch pouvait embarquer 128 passagers et… 6000 moutons.

Le 11 février 1953 il quitte le port de Bône (aujourd’hui Annaba) en Algérie en direction de Marseille. Il transporte des passagers et 20 tonnes de coton en 80 balles, deux automobiles et des fûts de bière vides.

Trois heures après son départ un détecteur de fumée situé en cale s’active. Ordre est alors donné d’utiliser les extincteurs du bord. 225 litres de mousse carbonique sont alors déversés dans la cale concernée. Mais le feu couve toujours et il est décidé d’isoler la cale pour stopper une extension du sinistre.

Arrivé à Marseille Le lendemain en fin d’après-midi le Sidi-Ferruch s’amarre au poste 92, môle J3 au port de la Joliette.

Les passagers sont débarqués et les secours alertés. Les marins-pompiers des casernes Strasbourg (située Boulevard de Strasbourg à Marseille), la Bigue et Plombières sont activés et se présentent.
Le bateau-pompe Pythéas, mis en service un an plus tôt et stationné à la caserne de La Bigue, appareille et fait route vers le paquebot.

Les panneaux de cale sont retirés et une équipe d’exploration pénètrent dans la cale équipés d’appareils respiratoires.
En première analyse le feu s’avère sans gravité. Mais un peu plus tard plusieurs marins-pompiers sont victimes de malaises et l’un d’entre-eux s’écroule sans connaissance, puis deux autres. Les membres de l’équipe tentent de leur porter secours tandis qu’un autre remonte l’échelle de cale pour alerter ses collègues. Il arrive sur le pont titubant avant de s’écrouler à son tour. On comprend le drame qui est train de se jouer: du monoxyde de carbone s’est accumulé à fond de cale ! Et en grande quantité puisque des intervenants situés dans les entreponts pont commencent eux aussi à ressentir des troubles et à éprouver des malaises.

Les marins-pompiers de Marseille à bord du Sidi-Ferruch
Les marins-pompiers de Marseille à bord du Sidi-Ferruch

Le fourgon électro-ventilateur de la caserne des Chartreux ventile la cale.

Cinq marins-pompiers sont restés à fond de cale. Il s’agit du chef d’agrès du premier secours de la caserne de Plombières et de quatre marins-pompiers du bateau-pompe Pythéas. Deux d’entre-eux sont remontés au prix de grands dangers et dirigés vers l’hôpital Paul Desbief quelques rues plus loin. Les trois autres membres de l’équipage du bateau-pompe sont remontés à leur tour.

Des renforts arrivent des casernes de Plombières, La Madrague, Louvain et Saint-Pierre. La cale est alors inondée.

Huit personnes intoxiquées sont dirigés vers plusieurs hôpitaux de Marseille.

Malgré les soins prodigués à leurs trois camarades les plus touchés sur le pont à la lumière des projecteurs, le médecin-major du Bataillon ainsi que des infirmiers et secouristes n’arriveront pas à les ramener à la vie.
Le Second-maitre Félix Gaulier (sous-officier d’attaque), les matelots Louis Colet (homme de liaison) et Vincent Riccio (premier servant) sont morts au feu. Leurs corps sont débarqués et dirigés vers une chapelle ardente dressée à la caserne Strasbourg. Ils faisaient tous trois partis de l’équipage du bateau-pompe Pythéas.

Le feu est éteint en fin de soirée. Les opérations de ventilation et de déblai se poursuivent pendant deux jours. Un piquet incendie de deux hommes est maintenu en surveillance.

Une enquête est diligentée par le Préfet maritime de Toulon sur requête du préfet des Bouches-du-Rhône.

Les obsèques solennelles des trois marins-pompiers morts au feu ont lieu le 14 février. Ils sont tous trois cités à l’ordre de la Marine nationale et décorés de la Médaille d’or pour actes de courage et de dévouement à titre posthume.

Le paquebot, quant à lui, va poursuivre sa carrière. Il est acheté par la Marine nationale en 1963 qui le rebaptise Médoc et le transforme en bâtiment base (logement pour 250 personnes) avant de lui faire rejoindre la Polynésie où il intègre le Centre d’expérimentations du Pacifique. Il accompagne toutes les campagnes d’essais de tirs nucléaires comme base hôtelière pour le personnel du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Il est désarmé en 1972. Le Service central des Domaines à Paris ne trouvant pas d’acquéreur, la Marine nationale le coule en octobre de la même année en l’utilisant comme cible durant un exercice en Polynésie française.