L’hydravion de recherche et de sauvetage Walrus de la Royal Air Force (1941 – 1945)
L’Air Sea Rescue Service, une unité de la Royal Air Force créée en 1941, était chargée d’assurer le sauvetage des pilotes et équipages des chasseurs, bombardiers… abattus en mer, particulièrement en Manche et en Mer du Nord. L’intégration de l’hydravion aux escadrilles de recherche et de sauvetage a considérablement améliorer leur rapidité d’intervention, primordiale dans ce type de secours. Le premier appareil mis en service a été le Supermarine Walrus.
L’hydravion Supermarine Walrus
L’hydravion à coque avait connu une grande popularité depuis la Première Guerre mondiale grâce à sa capacité à desservir des destinations dépourvues d’aéroports.
Le premier hydravion de la RAF à être utilisé en recherche et sauvetage est le Supermarine Walrus.
Ce n’est pas un appareil récent. Son premier vol datait de 1933. Il avait été conçu pour être embarqué à bord de navires de la Royal Navy et être catapulté afin de procéder à des reconnaissances, des liaisons avec d’autres navires ou des stations terrestres (transports de personnels, de matériels et équipements, courriers…). Conçu à sa demande, il avait été utilisé par l’Armée de l’air australienne, la Royal Australien Air Force ou RAAF, sous le nom de baptême Seagull V (Mouette en anglais). Mais il a également été utilisé par la Fleet Air Arm, la branche de la Royal Navy britannique qui arme des aéronefs embarqués, sous le nom de baptême Walrus (Morse, le mammifère marin, en anglais).
Utilisé à partir de 1935 par la Royal Air force ce n’est qu’en 1941 qu’il est choisi pour des missions de recherche et de sauvetage et intégré à ce titre à l’Air Sea Rescue Service fondé la même année. Les escadrilles dédiées au secours en mer reçoivent des Walrus de décembre 1941 à février 1944.
Caractéristiques et performances générales
Le Walrus est un hydravion monocoque biplan monomoteur à hélice propulsive (tournée vers l’arrière donc afin d’éviter les projections d’eau venant de la coque avant), équipé d’un flotteur sous chaque intrados des plans inférieurs.
Il dispose d’un train d’atterrissage tricycle. Les deux roues avant se replient et s’escamotent sous l’aile inférieure grâce à un mécanisme hydraulique. Ce train comporte également une roulette arrière sur laquelle peut descendre un gouvernail, utilisé lorsque l’appareil a amerri, grâce à un vérin hydraulique.
Le plan horizontal de l’empennage est placé haut et est haubané. Le moteur de propulsion est un Bristol Pegasus de 775 cv. L’envergure de l’appareil est de près de 14 mètres pour une longueur de plus de 11 mètres.
Il offre une autonomie de 965 km, une vitesse de croisière de 160 km/h avec des pointes possibles à 217 km/h.
Les équipages du Walrus avait baptisé l’appareil Shagbat sans qu’on sache vraiment pourquoi… et également Steam-pigeon, Pigeon à vapeur, du fait de la vapeur produite par l’eau frappant le moteur Pegasus quand il était chaud.
La recherche et sauvetage
Le Walrus offre des caractéristiques très intéressantes pour les missions de recherche et sauvetage. En premier lieu c’est un hydravion et il peut donc amerrir et récupérer pilote ou un équipage en perdition immédiatement après les avoir repéré. C’est un biplan, donc avec une portance renforcée, ce qui lui permet de voler à basse altitude (la tête émergée d’un pilote ou le bout d’une Mae West1Mary Jane Mae West (1892-1980) était une actrice de cinéma américaine, réputée pour son buste généreux. Son nom a été donné à un gilet de sauvetage gonflable, à l’origine délivré aux aviateurs de la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale. ne sont pas très visibles à une grande altitude !).
Mais il n’a pas que des qualités en regard de ses missions. Il est lent, sa vitesse de croisière n’excède pas 160 km/h. Il sera peu utilisé pour des recherches. Ces dernières seront assurées par des avions plus rapides comme le Hawker Hurricane et le Spitfire. Une fois les équipages abattus repérés les Walrus sont activés pour les récupérer .
Une fois amerri le Walrus supporte mal des conditions de mer dégradée. Il peut en effet en ces circonstances embarquer des paquets d’eau qui peuvent court-circuiter la radio de bord (les postes du navigateur et de l’opérateur radio étaient situés juste derrière le cockpit). Si un des flotteurs était endommagé (et c’était fréquent) un membre d’équipage devait se tenir sur l’aile opposée pour maintenir l’appareil en équilibre.
Par ailleurs l’emport de l’appareil était faible. Le Walrus était prévu pour un équipage de quatre membres. Pour ses missions de recherche et sauvetage l’équipage a été réduit à trois puis à deux membres. L’appareil pouvait donc recueillir et embarquer un pilote d’un avion de chasse avec éventuellement son mitrailleur… C’était beaucoup plus compliqué lorsqu’il s’agissait de secourir l’équipage de dix membres d’un bombardier ! Avec un tel chargement l’appareil ne pouvait plus redécoller.
Mode opératoire d’un sauvetage en mer
Un Walrus était engagé sur la base d’un appel de détresse de l’équipage à secourir avant amerrissage ou après avoir été abattu, s’il en avait eu le temps et la possibilité2Les pilotes et membres d’équipages à secourir étaient surnommés Customers par les sauveteurs, ou Clients en français !. Cela pouvait être aussi un échange radio avec un équipage de la même escadrille qui signalait un autre appareil en difficulté et indiquait son point de chute ou encore par une base terrestre qui signalait un appareil manquant de retour de mission. L’alerte pouvait aussi avoir été repéré par un avion de recherche de l’Air Sea Rescue Service, un Lysander par exemple, très utilisé pour cette mission. L’appareil pouvait alors avoir largué un kit de survie, des fumigènes ou un dinghy si nécessaire.
Le Walrus engagé pouvait être accompagné d’un avion de chasse si une rencontre avec des appareils ennemis était à craindre.
Lorsque l’équipage à secourir était nombreux, l’équipage d’un bombardier par exemple, deux Walrus pouvaient être activés.
Une fois que l’équipage était repéré l’hydravion devait donc amerrir pour le recueillir. Et c’est loin d’être aussi simple qu’on peut l’imaginer !
L’appareil, une fois amerri, devait s’approcher lentement des hommes à secourir afin de ne pas les heurter et les blesser. Si le pilote ne pouvait pas faire baisser suffisamment le régime du moteur, il pouvait faire descende le train d’atterrissage pour freiner l’appareil.
Un membre d’équipage de l’hydravion lançait alors une corde depuis une trappe ouverte au niveau du nez de l’appareil (cette ouverture dans le nez de l’appareil était destiné à recevoir une mitrailleuse et son servant). Lorsque cette corde était attrapée par les victimes, le pilote positionnait l’appareil le nez dans le sens des vagues de manière à ce que le dinghy, ou le pilote immergé, soit amené vers l’hydravion et pas l’inverse, toujours pour éviter le risque de chocs. Le sauveteur, placé dans le nez de l’appareil, amenait vers lui la corde puis laissait glisser le pilote secouru le long du fuselage. Il était alors récupéré à partir de l’autre trappe située à l’arrière de l’appareil (cette seconde ouverture est également destinée à recevoir une mitrailleuse, arrière cette fois, et son servant). C’est le troisième membre de l’équipage du Walrus qui assurait cette tâche ou le second, s’ils n’étaient que deux, après avoir amarré la corde. Le pilote pouvait être amené à quitter son poste de pilotage pour aider à la manœuvre.
Souvent le pilote à récupérer était blessé, choqué et évidement trempé… et le hisser à bord de l’hydravion pouvait être une opération compliquée. Amené à bord ses vêtements mouillés était retirés et on le réchauffait avec des couvertures et des boissons chaudes. Le Dinghy était alors perforé à l’aide d’un couteau afin d’être coulé et éviter d’être repéré ultérieurement et déclencher des secours de manière inutile.
Le Walrus pouvait être amené à secourir des équipages nombreux et non pas seulement un pilote, ou un pilote et son mitrailleur, d’un chasseur. Le bombardier Boeing B-17 par exemple, ou le Consolidated B-24 Liberator des forces américaines, étaient conduit par un équipage de dix membres. Dans ce cas il était vital de placer ces hommes au sec à bord du Walrus mais ce dernier ne pouvait plus alors décoller du fait de sa charge trop importante. L’appareil faisait alors le « taxi », c’est à dire qu’il se déplaçait sur l’eau comme une embarcation. Il tentait de rejoindre la côte la plus proche ou de venir à la rencontre de la vedette rapide de sauvetage qui avait été activée. Les secourus étaient transférés vers cette vedette à l’exception des blessés. L’hydravion pouvait redécoller et les diriger au plus vite vers une base terrestre pour y recevoir des soins.
Lorsque deux Walrus étaient engagés les secourus pouvaient être distribués dans les deux appareils. Il arrivait aussi qu’un seul Walrus fasse deux allers retours entre le point de récupération et le continent.
Les escadrilles armées d’hydravions Walrus
Durant la Seconde guerre mondiale – en fait de 1936 à 1969 – les côtes du Royaume-Uni sont placées sous la protection du Coastal Command, un commandement de la Royal Air Force. Ses missions étaient plus large que le secours aux équipages. Il intégrait également la lutte contre les sous-marins, les patrouilles maritimes, la protection des convois maritimes, le mouillage de mines… Son action s’effectuait le long des Côtes du Royaume-Uni mais également en Mer Baltique, en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique… selon l’évolution du conflit.
L’hydravion Walrus arrive dans les escadrilles dédiées au secours air mer entre décembre 1941 et avril 1944. Deux versions ont été utilisées, le Walrus I à coque métallique, puis le Walrus II à coque en bois (plus lourde mais utilisait peu de métaux légers, vitaux en temps de guerre). Tous ont été construits par Supermarine et Saunders-Roe, ce dernier ayant construit des exemplaires de la version I et tous ceux de la version II3La construction du Walrus est confiée à Saunders-Roe pour permettre à Supermarine de produire plus de chasseurs Spitfire..
- l’escadrille 275, devise Non interibunt, They shall not perish, Ils ne périront pas. Code d’escadrille PV,
- l’escadrille 276, devise Retrieve, Retrouve. Code d’escadrille AQ,
- l’escadrille 277, devise Quaerendo servamus, We save by seeking, Nous sauvons en cherchant. Code d’escadrille BA. C’est l’escadrille qui a été la plus sollicitée durant la Guerre,
- l’escadrille 278, devise Ex mare ad referiendum, From out of the sea to strike again, De la mer pour frapper à nouveau. Code d’escadrille MY.
- l’escadrille 281, devise Volamus servaturi, We fly to save, Nous volons pour sauver. Code d’escadrille FA.
- l’escadrille 282, Code d’escadrille B4.
- l’escadrille 283, à Alger, Algérie, devise Attende et vigila, Be alert and on guard, Vigilant et sur ses gardes,
- l’escadrille 284 qui, après avoir servi en Angleterre, assurait le sauvetage autour de Malte,
- l’escadrille 292 opère dans la Baie du Bengale dans l’Océan Indien,
- l’escadrille 293, devise Ex aere salus, Safety from the air, Sécurité aérienne qui, après avoir servi en Afrique du Nord est transférée en Italie. Code d’escadrille ZE.
- l’escadrille 269, à la fin de la Guerre avec un Walrus réceptionné en 1944, code d’escadrille HK.
Un second hydravion sera affecté au secours en mer, le Sea Otter (loutre de mer en anglais) construit à partir de 1942. Il côtoie le Walrus sans vraiment le remplacer. C’est aussi un hydravion monocoque biplan monomoteur mais une hélice de traction et non plus de poussée comme le Walrus. Les deux appareils sont conçus par Supermarine.
Les équipages des avions de recherche et de reconnaissance, ceux des hydravions et des vedettes rapides de sauvetage ont développé au fil des années de guerre une grande expérience du sauvetage en mer. Souvent au péril de leurs vies et de nombreux sauveteurs ont reçu des décorations telle la Distinguished Flying Medal4La Distinguished Flying Medal (DFM) était une décoration militaire décernée au personnel de la Royal Air Force et d’autres Forces armées britanniques pour des actes de vaillance, de courage ou de dévouement.. Ainsi, si le pourcentage d’équipages secourus était proche de 20% au début de la Guerre, il était de près de 60 % à la fin du conflit ! Plus de 10 000 personnes ont été recueillies au cours de ces opérations de sauvetage, dont près de 6 000 pilotes et membres d’équipages alliés et près de 300 allemands. L’organisation mise en place à partir de 1941 était, à la fin du conflit, la plus importante force de sauvetage au monde.
Notes
↑1 | Mary Jane Mae West (1892-1980) était une actrice de cinéma américaine, réputée pour son buste généreux. Son nom a été donné à un gilet de sauvetage gonflable, à l’origine délivré aux aviateurs de la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale. |
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↑2 | Les pilotes et membres d’équipages à secourir étaient surnommés Customers par les sauveteurs, ou Clients en français ! |
↑3 | La construction du Walrus est confiée à Saunders-Roe pour permettre à Supermarine de produire plus de chasseurs Spitfire. |
↑4 | La Distinguished Flying Medal (DFM) était une décoration militaire décernée au personnel de la Royal Air Force et d’autres Forces armées britanniques pour des actes de vaillance, de courage ou de dévouement. |