L’incendie du Palais du Reichstag de Berlin (1933)


Le Palais du Reichstag en 1928
Le Palais du Reichstag en 1928

Plan du Reichstag de Berlin en 1923
Plan du Reichstag de Berlin en 1923

La caserne des pompiers de Linienstrasse, Berlin
La caserne des pompiers de Linienstrasse, Berlin

Le Reichstag de Berlin en flammes
Le Reichstag de Berlin en flammes

Les pompiers de Berlin en action
Les pompiers de Berlin en action

Les renforts des pompiers de Berlin
Les renforts des pompiers de Berlin

Les pompiers de Berlin en action
Les pompiers de Berlin en action

Le Reichstag de Berlin en 1933

En 1933 le palais du Reichstag est un bâtiment de Berlin en Allemagne où siège l’assemblée parlementaire représentant le peuple allemand  pendant la république de Weimar, établie en 19191La république de Weimar est le nom donné par les historiens au régime politique en place en Allemagne de 1918 à 1933. Elle est proclamée au cours de la révolution de 1918, le 9 novembre 1918, soit deux jours avant la fin des hostilités de la Première Guerre mondiale..
Le bâtiment est de de style néo-classique, de 130 mètres de long dans un axe nord-sud, 90 mètres de large dans son axe est-ouest, avec une hauteur de 30 mètres. Il est surmonté au centre, au dessus de la salle plénière ou salle des audiences, d’une coupole d’acier et de verre, de style contemporain, culminant à 75 mètres au-dessus du sol. Quatre imposantes tours d’angle symbolisent les quatre royaumes de l’empire allemand : Bavière, Saxe, Prusse et Wurtemberg. De l’extérieur, le palais ne comporte qu’un rez-de-chaussée et deux étages, mais l’immeuble possède encore une cave et deux étages supplémentaires donnant sur la cour. C’est donc en fait un énorme labyrinthe massif de six étages.

L’alerte

Le lundi 27 février 1933, vers 21 heures, un étudiant en théologie, Hans Flöter, rentrant chez lui à pieds après avoir travaillé à la Bibliothèque d’État, passe à proximité de la façade ouest du Parlement. Un bruit de vitre brisée attire son attention. Le bruit se fait encore entendre et il distingue à travers une fenêtre du rez-de chaussée une silhouette portant un objet enflammé. Il réussit à prévenir un policier en patrouille plus loin, l’officier Karl Buwert et rentre chez lui. Il est 21h05. L’officier Buwert est rejoint par plusieurs passants dont un qui a aussi entendu les bruits de bris de vitres. Des lueurs sont visibles à travers les fenêtres de la façade sud où se trouvent les salles de restaurants. Leurs rideaux semblent enflammés. Buwert aperçoit lui aussi une silhouette, sort son arme de poing et fait feu dans cette direction. Il envoie trois des passants qui l’ont rejoints donner l’alerte. Ces derniers ne trouvent pas d’avertisseur d’incendie et se retrouvent devant la Maison des ingénieurs en face du parlement. Un appel téléphonique est alors donné pour alerter les pompiers.

Le centre de secours situé au 128/129 Linienstrasse à Berlin reçoit, à 21h14, un ordre de départ pour feu au Palais du Reichstag. C’est le centre le plus proche du Palais. L’alerte émane de la caserne principale Kreutzberg suite à l’appel téléphonique reçu depuis la Maison des ingénieurs.

Trente secondes plus tard les quatre engins du sixième groupe, dont une échelle, se dirigent vers le Palais. Le convoi est placé sous les ordres du chef de centre Emil Pohl. La nuit est froide, obscure et brumeuse. Un vent glacial souffle.

L’officier de police Buwert est rejoint par deux collègues qui ont entendu le coup de feu. Ils parviennent à donner une seconde alerte depuis un avertisseur d’incendie situé Moltkestrasse à proximité. Il est 21h12. Cet appel donne lieu à un second départ depuis la caserne située Turmstrasse sous les ordres du chef Waldemar Klotz. Les premiers engins se présentent à 21h18.

L’action des pompiers et des policiers

Les pompiers accèdent au restaurant du Palais, à partir de la façade sud, à 21h23 après avoir dressé des échelles (la porte est fermée) et brisé les vitres à coups de haches. Quelques petits foyers dans la salle de restaurant sont rapidement éteints. Le pompier Fritz Polchow2Fritz Polchow, alors jeune pompier de moins d’une année de service est promis à un bel avenir puisqu’il deviendra, dans les années 1950, officier adjoint au chef de corps. emprunte l’escalier conduisant au rez-de-chaussée pour poursuivre la reconnaissance et localiser le foyer principal3Edouard Calic dans son ouvrage Le Reichstag brûle ! rapporte un témoignage de Polchow selon lequel deux hommes en uniformes et armés lui auraient intimé l’ordre de faire demi-tour !.

L’officier de Police Poeschel se présente à la porte Nord avec l’inspecteur Alexander Scranowitz. Le portier de la porte Nord, lui même informé de la situation par la police, avait ouvert la porte d’accès. Les deux policiers se précipitent dans le hall d’entrée, observent de nombreux foyers et une flamme particulièrement vive et haute dans la salle des séances, résultat selon eux de la combustion d’un produit incendiaire. Plus loin, dans la salle Bismarck, au sud de l’édifice ils surprennent un jeune homme torse-nu, couvert de sueur et avec un regard halluciné. Il est appréhendé par les policiers, convaincus que l’incendie est criminel et qu’ils en tiennent le responsable. Après l’avoir fouillé ils le conduit vers l’extérieur puis vers la Préfecture de police où il arrive à 21h36.

De nombreux établissements de tuyaux...
De nombreux établissements de tuyaux...

Des pompiers conduits par le chef Waldemar Klotz, du détachement Turmstrasse, accèdent à l’intérieur du bâtiment par la porte Nord. Ils confirment que le foyer principal se situe bien au centre du Palais, dans la salle plénière sous la Coupole. Un pompier évoquera un feu de forge pour décrire la chaleur qui rayonne depuis ce foyer. Des lances sont rapidement établies.

L’intensité maximale de l’incendie est atteinte à 21h45 après une explosion qui se produit à 21h27 vers la salle plénière, donc sous la coupole et résultant probablement de l’accumulation de gaz chauds. De nombreux témoins, journalistes… sont frappés par l’éclatante lueur qui illumine la coupole dont les parois vitrés éclatent sous l’effet de la chaleur, ce qui provoque un appel d’air qui transforme le foyer en un véritable brasier.

Le chef de corps des pompiers de Berlin, Walter Gempp, est arrivé sur les lieux à 21h41 et a pris le commandement des opérations. Comprenant le danger que représente l’effondrement de la Coupole, il ordonne un retrait des effectifs en périphérie. Les jets des lances sont propulsés au travers des portes et fenêtres.

De nombreux renforts se présentent depuis toutes les casernes de Berlin: Turmstrasse, Suarezstrasse (ouest), Lichtenberg (est), Steglitz (sud), Wedding (nord)… et  la caserne principale Kreutzberg. Deux bateaux-pompes sont activés depuis la rivière Sprée à proximité de laquelle se trouve le Palais. Presque tous les effectifs de Berlin sont engagés avec près de soixante engins en départ depuis plus de quinze casernes.

Les pompiers de Berlin en action
Les pompiers de Berlin en action

Une foule dense de curieux a convergé vers le sinistre. De nombreux policiers assurent le service d’ordre et dressent des barrières autour du Palais. Des membres de formations paramilitaires arrivent en nombres (SA, SS…). Ces derniers sont, de fait, des policiers auxiliaires. Des journalistes allemands et étrangers sont présents.

Il est clair que la salle plénière est perdue et que l’objectif des pompiers est d’éviter la propagation du foyer aux autres salles et en particulier à la bibliothèque. Fort heureusement le Palais est un édifice assez isolé et on craint peu la propagation de l’incendie à d’autres bâtiments du quartier.

L’incendie est circonscrit avant minuit. De nombreux témoins parleront du calme, du sang froid et de l’efficacité des pompiers face à un incendie d’une rare violence.

Le contexte politique

Hitler, Goebels et Goering sur place
Hitler, Goebels et Goering sur place

Informés de l’incendie, Hitler, Chancelier depuis un mois à peine, Hermann Goering, président du Reichstag et ministre de l’intérieur de Prusse, Joseph Goebels, futur ministre de la propagande4Il devient ministre de la propagande moins de deux semaines après l’incendie., se rendent sur les lieux.

La nature criminelle de l’incendie ne faisant aucun doute – on pense même en avoir appréhendé le coupable ! –  le gouvernement national-socialiste accuse rapidement l’opposition communiste et sociale-démocrate5L’Allemagne est en pleine campagne législative et le scrutin visant à renouveler les parlementaires est prévu le mois suivant.. Évoquant un signe avant-coureur d’un vaste complot communiste il est ordonné une gigantesque rafle des militants communistes et socialistes dans le pays. Hitler soumet immédiatement à la signature de Hindenbourg, président du Reich, le décret qui abolit les libertés civiles pour la protection du peuple et de l’État. La République De Weimar prend fin et laisse place à la dictature légale.

Walter Gempp, chef de corps

Walter Gempp (1878-1937)
Walter Gempp (1878-1937)

Walter Gempp est un ingénieur mécanicien. Il est recruté en 1908 par le corps de pompiers de Berlin pour mener la motorisation des engins d’intervention du corps. Et en effet le premier engin motorisé est mis en départ la même année. En 1923 Gempp est nommé chef de corps. Il œuvre à sa modernisation : moyens d’alerte, télécommunications, renouvellement et uniformisation des matériels, tactiques, intégration des pompiers volontaires… Il s’informe auprès d’autres grands corps de sapeurs-pompiers au cours de voyages à Paris, Londres, New York…

En février 1933 il commande donc les opérations des pompiers luttant contre l’incendie du Palais du Reichstag.

Après l’incendie il met en doute la volonté des autorités nationales socialistes d’avoir mis à sa disposition tous les moyens nécessaires à la lutte contre l’incendie et ne comprend pas le retard donné à l’alerte. En effet les lignes directes entre le Palais et la caserne Linienstrasse n’ont pas été activées et ainsi les départs pré constitués prévus dans cette situation n’ont pas été immédiatement engagés. Ce sont des témoins extérieurs qui ont donné l’alerte…Et pourquoi pas le personnel de nuit du Parlement ? Gempp alimente ainsi la suspicion et la rumeur d’un coup monté par les nationaux-socialistes pour anéantir l’opposition communiste et sociale démocrate… Évidement cette position n’est pas appréciée par les autorités nationales-socialistes…

Gempp est démis de ses fonctions et remplacé par Gustav Wagner6Ancien officier supérieur, il est arrêté en 1945 alors que Berlin se rend aux forces soviétiques. Il est interné dans un camp, en Union soviétique, où il meurt en 1946., national-socialiste dont le fils est membre de la section d’assaut (SA). En 1937 Gempp est accusé d’entente délictuelle avec des fournisseurs pendant son commandement et il est incarcéré. Il est retrouvé mort dans sa cellule alors qu’il avait fait appel de sa condamnation. Suicide ou suicidé ? La question reste posée…

Épilogue

Le jeune homme appréhendé par la police dans un des halls du Palais pendant l’incendie est un jeune syndicaliste néerlandais de 24 ans, Marinus van der Lubbe. Plus tard trois autres sympathisants communistes sont arrêtés et suspectés : Dimitrov, Popev et Tanev. Ces trois derniers sont acquittés au procès qui a lieu à Leipzig en septembre 1933 mais Lubbe est condamné à mort pour haute trahison. Il est exécuté en janvier 1934.

Aujourd’hui encore les historiens sont partagés entre les partisans de la thèse d’une opération montée par les nationaux-socialistes pour justifier la mise en place d’un durcissement du régime et ceux qui estiment qu’il s’agit d’un acte individuel immédiatement exploité.

Le parlement allemand se réunit après l’incendie dans le Krolloper (Opéra Kroll). Le Palais du Reichstag est à nouveau très endommagé par les bombardements de la Seconde guerre mondiale. Il est restauré entre 1961 et 1973 sans la coupole qui sera entièrement démolie.
Les députés recommencent officiellement à siéger à au Palais du Reichstag en 1999. Une nouvelle coupole est alors construite.

Sources

  • Le Reichstag brûle ! Edouard Calic, Édition Stock, 1969.
  • The Reichtag fire, Suen Felix Kellerhoff, The History Press, 2016, ISBN : 9780750964876.
  • Histoire de la Gestapo, Jacques Delarue, nouveau monde Éditions, 2011, ISBN : 978-2-84736-569-6.

Notes

Notes
1 La république de Weimar est le nom donné par les historiens au régime politique en place en Allemagne de 1918 à 1933. Elle est proclamée au cours de la révolution de 1918, le 9 novembre 1918, soit deux jours avant la fin des hostilités de la Première Guerre mondiale.
2 Fritz Polchow, alors jeune pompier de moins d’une année de service est promis à un bel avenir puisqu’il deviendra, dans les années 1950, officier adjoint au chef de corps.
3 Edouard Calic dans son ouvrage Le Reichstag brûle ! rapporte un témoignage de Polchow selon lequel deux hommes en uniformes et armés lui auraient intimé l’ordre de faire demi-tour !
4 Il devient ministre de la propagande moins de deux semaines après l’incendie.
5 L’Allemagne est en pleine campagne législative et le scrutin visant à renouveler les parlementaires est prévu le mois suivant.
6 Ancien officier supérieur, il est arrêté en 1945 alors que Berlin se rend aux forces soviétiques. Il est interné dans un camp, en Union soviétique, où il meurt en 1946.