L’incendie du Printemps à Paris (mars 1881)


Les Grands Magasins

C’est pendant le Second Empire et la Révolution Industrielle qu’apparaissent les Grands Magasins sur les boulevards des grandes villes1Émile Zola les baptise les cathédrales du commerce.. Ce sont des bâtiments de grandes surfaces où on trouve tout ce qui est nécessaire à l’art de vivre bourgeois en grandes quantités, à prix bas et fixes. Cette offre, abondante, large, renouvelée et diversifiée, est possible grâce à la mécanisation et la production en série des ateliers et manufactures (notamment dans l’industrie textile) et à son acheminement par voies ferroviaires. L’entrée de ces magasins est libre et ils attirent une clientèle nombreuse.

Au Printemps

Le Grand magasin parisien Au Printemps en 1874
Le Grand magasin parisien Au Printemps en 1874

Jules Jaluzot créé à Paris en 1865 le Grand Magasin Au Printemps2Le slogan en est: Au Printemps, tout y est nouveau, frais et joli, comme le titre : Au Printemps.. Le premier magasin est construit carrefour du boulevard Haussmann et de la rue du Havre, assez éloigné à l’époque du cœur de Paris mais proche de la Gare Saint-Lazare et de l’Opéra en construction.
Un an avant, Augustine Figeac, l’épouse de Jules Jaluzot3Ancien responsable du rayon des soieries au Grand magasin de Paris Au Bon Marché qui avait ouvert ses portes en 1838. avait fait l’acquisition d’un terrain sur lequel elle avait fait construire un immeuble de rapport.
Cet immeuble va abriter le magasin au rez-de-chaussée, à l’entresol et au sous-sol. Ce dernier abrite les réserves et les écuries destinés aux livraisons à domicile. Ce tout premier magasin du Printemps est doté de grandes vitrines, de vastes galeries et a les allures d’un grand marché couvert soutenu par des colonnes. L’entrée du public se fait par une grande porte au coin de la rue du Havre et du Boulevard Haussmann.

Au fil des années le magasin s’agrandit en hauteur avec l’occupation de nouveaux étages4Avec la mise en œuvre d’ascenseurs jusque là inédite dans un magasin.. En 1881 il compte près de 250 employés.

L’incendie

L'incendie du magasin Au Printemps en mars 1881
L'incendie du magasin Au Printemps en mars 1881

Le 9 mars 1881 un incendie se déclare au petit matin (peu après 5 heures 30 du matin, le magasin n’est pas encore ouvert à la clientèle) près de l’entrée, au rez-de-chaussée, vers le rayon des dentelles. Des employés étaient en train d’allumer des becs de gaz et, par suite probablement d’une imprudence, le feu a embrasé un rideau en mousseline.

Le garçon de garde, constatant le départ de feu, cours chercher un baquet d’eau, mais durant sa courte absence un courant d’air s’établit et propage les flammes dans la salle et les salles voisines. Le garçon donne l’alarme. La chaleur des flammes fait fondre deux conduites de gaz en plomb, ce qui provoque une suite d’explosions et une nouvelle propagation de l’incendie.

Avant même que les secours arrivent le premier étage est déjà atteint et les vitres volent en éclats. La Gare Saint-Lazare, à proximité envoie ses pompes à incendie.
Les sapeurs-pompiers de Paris arrivent au pas de course et mettent en œuvre deux pompes à bras. Le Service des pompes à vapeur suit de près.

L'incendie du magasin Au Printemps en mars 1881
L'incendie du magasin Au Printemps en mars 1881

Les pompiers ne manquent pas d’eau mais les bouches à incendie ne se trouvent pas à proximité immédiate du magasin. L’une d’entre-elles se trouve à 160 mètres du sinistre, à l’angle du Boulevard Haussmann et de la rue des Mathurins, une autre à 220 mètres dans la rue Saint-Lazare, une autre encore à 205 mètres rue du Tronchet…

Des distances qui occasionnent des pertes de charge dans les tuyaux. Paris compte 321 bouches à incendie en janvier 1880. Le colonel Paris, commandant à l’époque le Régiment de sapeurs-pompiers de Paris, estime, en 1881, que ce nombre est insuffisant5Le feu à Paris et en Amérique, Colonel Paris, Librairie Germer Baillère et Cie, 1881..

Avant six heures du matin le dispositif de lutte contre l’incendie des pompiers de Paris est en place.
Mais le feu se propage à grande vitesse, en particulier dans les étages par la cage d’ascenseur. La toiture s’effondre puis le plancher du second étage, ensevelissant le sapeur porte-lance Havard sous des décombres brûlants. Celui-ci est secouru, mais gravement blessé et brûlé, il décède à l’hôpital Beaujon.

Une grande partie du premier bâtiment, à la hauteur du n° 70 du boulevard Haussmann et du n° 125 de la rue de Provence, est détruite, les immeubles voisins lourdement endommagés. Le sapeur Havard est inhumé au cimetière Montparnasse. Ses restes sont transférés deux ans plus tard sous le Monument à la mémoire des sapeurs-pompiers morts au feu inauguré en mai 1883 dans le même cimetière.


Plan des Grands magasins du printemps dans les années 1920. L'incendie s'est déclaré dans le premier bâtiment à gauche vers l'entrée située à l'angle de la rue du Havre et du Bd Hausmann. Le bâtiment de droite a été construit après l'incendie de 1881.

Notes

Notes
1 Émile Zola les baptise les cathédrales du commerce.
2 Le slogan en est: Au Printemps, tout y est nouveau, frais et joli, comme le titre : Au Printemps.
3 Ancien responsable du rayon des soieries au Grand magasin de Paris Au Bon Marché qui avait ouvert ses portes en 1838.
4 Avec la mise en œuvre d’ascenseurs jusque là inédite dans un magasin.
5 Le feu à Paris et en Amérique, Colonel Paris, Librairie Germer Baillère et Cie, 1881.